Les autorités électorales afghanes ont commencé lundi l'examen de plus de 3000 urnes suspectes, qui doit permettre de déterminer le résultat définitif du premier tour de l'élection présidentielle et mettre un terme à plusieurs semaines de crise politique.

Un échantillon d'urnes représentatives du scrutin et des fraudes présumées, 3498 au total, arrivées de presque tout l'Afghanistan, est soumis à un audit des experts de la Commission électorale afghane (IEC), selon un responsable de l'IEC. Les Afghans s'étaient rendus le 20 août aux urnes pour la seconde présidentielle de leur histoire, mais des fraudes présumées ont retardé l'annonce du vainqueur et plongé le pays dans une grave crise politique.

Selon des résultats préliminaires, le président sortant Hamid Karzaï a recueilli 54,6% des suffrages, mais l'éventuelle invalidation de bulletins suspects pourrait le faire passer sous la barre des 50%, le contraignant à un second tour.

Son principal rival et ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah, à 27,8% des suffrages, a pris la tête de la contestation, accusant M. Karzaï de fraudes massives.

Environ 10% des 600 à 700 bulletins contenus dans chaque urne seront examinés. À partir de cet échantillon, les experts extrapoleront un résultat sur l'ensemble du scrutin.

Selon une source à l'IEC, des dissensions entre l'IEC et la Commission des plaintes électorales (ECC) ont poussé la mission de l'ONU en Afghanistan (UNAMA) à s'impliquer davantage dans le dossier, ce qui a retardé l'examen des urnes.

L'audit devrait durer deux jours. L'IEC et l'ECC doivent ensuite tirer leurs conclusions avant une annonce finale de résultat qui, selon Zekria Barakzaï, un haut responsable de l'IEC, ne devrait pas tomber avant la fin de la semaine prochaine.

Des sources occidentales avaient évoqué une annonce de résultats cette semaine ou en début de semaine prochaine.

Les accusations de fraudes ont mis dans l'embarras la communauté internationale, notamment l'ONU, qui soutenait le processus électoral.

La crise s'est aggravée la semaine dernière avec les révélations sur des dissensions à l'UNAMÀ sur la gestion du scrutin présidentiel.

Dans une interview à la BBC, Peter Galbraith, ancien n°2 de l'UNAMA récemment démis de ses fonctions, a accusé son supérieur, Kai Eide, d'avoir cherché à cacher des fraudes.

Le différend entre les deux représentants de l'ONU avait débuté avant même le vote, lorsque M. Galbraith avait demandé que soient éliminés des bureaux de vote «fantômes», qui n'existaient que sur le papier.

Lorsque les preuves de fraude devinrent, selon M. Galbraith, «très graves», M. Eide avait refusé que ces informations soient divulguées, même auprès des ambassadeurs basés à Kaboul, a-t-il expliqué.

D'après M. Galbraith, l'IEC «avait créé des garde-fous visant à éliminer les bulletins frauduleux, mais les a abandonnés lorsqu'elle s'est rendue compte que si elle les mettait en pratique, cela risquait de faire passer Karzaï sous les 50% et le forcer à un second tour».

Dans une tribune dans le Washington Post publiée dimanche, M. Galbraith estimait que «30% des bulletins en faveur de Karzaï sont frauduleux».

«La fraude a donné aux talibans leur plus grande victoire stratégique en huit ans», depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir fin 2001, écrivait-il.

Pour Orzala Ashraf, un expert afghan indépendant, l'attente des résultats a paralysé le pays politiquement, économiquement et militairement, et «quel que soit le vainqueur, nous continuerons à vivre avec un gouvernement nuisible et corrompu».