Six soldats italiens et 10 civils afghans ont été tués jeudi à Kaboul dans un attentat des talibans contre les troupes de l'OTAN, nouveau coup porté aux efforts de stabilisation de la communauté internationale au moment où l'Afghanistan s'enfonce dans la crise politique née des soupçons de fraudes massives à la présidentielle.

En milieu de matinée, un kamikaze a précipité sa voiture piégée contre un véhicule blindé léger italien, sur l'une des artères les plus fréquentées de la capitale afghane.

Les talibans ont aussitôt revendiqué cet attentat, parmi les plus meurtriers visant les forces internationales en huit années de guerre.

L'attaque a eu lieu à environ 1,5 km du centre ville, mais l'explosion a secoué tout Kaboul et ouvert un impressionnant cratère dans la chaussée, ont raconté des journalistes de l'AFP.

Rome a rapidement confirmé que six soldats d'une unité de parachutistes engagés dans la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'OTAN avaient péri, et Kaboul a annoncé la mort de dix civils afghans.

Parallèlement, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a affirmé qu'il souhaitait faire «rentrer au plus vite» les soldats envoyés par son pays en Afghanistan, mais qu'il prendrait sa décision en concertation avec ses alliés.

Ce nouvel attentat survient tandis que les fraudes apparemment massives qui retardent l'annonce des résultats définitifs de la présidentielle embarrassent les Occidentaux.

Selon les experts, ils sont tiraillés entre la nécessité de conserver une certaine crédibilité et une certaine légitimité au sortant Hamid Karzaï -qu'ils ont installé au pouvoir il y a huit ans et qui est largement en tête de l'élection du 20 août-, et les difficultés qu'engendrerait l'organisation d'un second tour face à des talibans revigorés, qui ont juré de perturber le processus électoral.

Car les opinions publiques de la quarantaine de pays engagés dans la force de l'OTAN, États-Unis en tête, sont de plus en plus rétives à l'engagement de leurs soldats dans le bourbier afghan et 2009 est déjà de très loin l'année la plus meurtrière pour les troupes étrangères.

Les soupçons de fraude massive entourant la présidentielle afghane «compliquent indéniablement la tâche» des États-Unis, a, à cet égard, estimé jeudi le secrétaire américain à la Défense Robert Gates.

M. Karzaï avait démenti quelques heures auparavant qu'il y ait eu des «fraudes massives», les jugeant simplement «mineures».

Mercredi, la Commission électorale lui a donné la majorité absolue des suffrages avec 54,6%, devançant largement son principal rival Abdullah Abdullah (27,8%).

Mais il ne peut être officiellement proclamé réélu qu'au terme des enquêtes sur des centaines de milliers de bulletins frauduleux qui, si une part importante était invalidée, pourraient le pousser à un second tour.

Mercredi, les observateurs de l'Union européenne ont assuré qu'environ 1,5 million de bulletins étaient «suspects», soit près d'un sur quatre, la grande majorité en faveur de M. Karzaï. L'UE a également promis de ne pas «se faire la complice d'une tentative de fraudes massive».

«Il faut que les enquêtes soient équitables et sans ingérence», a rétorqué M. Karzaï, une vingtaine de minutes avant que l'explosion ne secoue Kaboul.

Les talibans ont multiplié ces derniers mois les attentats suicide au coeur d'une capitale ultra-sécurisée, signe de l'intensification et de l'expansion géographique de leur insurrection malgré la présence de 100.000 soldats étrangers, dont plus des deux tiers sont américains.

Un précédent attentat, le 8 septembre, avait tué trois civils : un kamikaze avait fait exploser sa voiture piégée devant l'entrée principale de la base aérienne de la force de l'OTAN, à l'aéroport de Kaboul.

Le 15 août, sept civils afghans avaient été tués dans un attentat suicide à la voiture piégée devant l'entrée du QG de l'Isaf en plein centre de Kaboul. Trois jours plus tard, un attentat suicide contre un convoi de l'OTAN tuait neuf civils et un soldat étranger à Kaboul, à deux jours de la présidentielle.

Le pape Benoît XVI a «exprimé sa douleur» pour les victimes de l'attentat de jeudi et les députés européens observé une minute de silence à Strasbourg.