Les bulletins suspects de quelque 10% des bureaux de vote seront recomptés dans le cadre de l'élection présidentielle très controversée en Afghanistan, repoussant sans doute de plusieurs semaines l'annonce des résultats définitifs dans un contexte politique très tendu.

L'impact de ce recomptage sur le résultat global du scrutin est difficile à évaluer, le nombre de bulletins concernés n'ayant pas été révélé. La Commission des plaintes électorales (ECC) avait demandé la semaine dernière l'examen et le recomptage des bulletins de bureaux de vote où ont été découvertes «des preuves claires et convaincantes de fraude».

Mardi, le président de l'ECC, Grant Kippen, a déclaré à l'AFP que «quelque 2500 bureaux de vote», sur un total de 25.450 dans tout le pays, «sont concernés par cette mesure, et toutes les provinces sont touchées».

«L'idée est de le faire le plus vite possible, nous essayerons de le faire en quelques semaines plutôt que quelques mois», a dit M. Kippen, ajoutant ne pas savoir «combien de temps cela va prendre».

L'ECC avait ordonné le 8 septembre à la Commission indépendante électorale (IEC), chargée du comptage, d'identifier les bureaux de vote où la participation atteignait 100% et ceux où un seul candidat avait obtenu plus de 95% des voix.

L'ECC a tenu «plusieurs réunions ces derniers jours» avec l'IEC et «le grand problème, ce sont les procédures qui doivent être mises en place pour ces vérifications», a expliqué M. Kippen.

À l'IEC, une source ayant requis l'anonymat estimait mardi que «le recomptage au niveau provincial prendra un très long moment».

Plusieurs sources diplomatiques ont fait état ces derniers jours de fortes tensions entre l'IEC, régulièrement accusée de favoriser le président sortant Hamid Karzaï qui en a nommé le chef, et l'ECC, parrainée par l'ONU.

L'ECC a déjà annulé les résultats, frauduleux, de 83 bureaux de votes, la plupart dans des bastions électoraux de M. Karzaï.

Un consultant occidental impliqué dans le processus électoral juge que si les bulletins de 2.500 bureaux étaient annulés, «cela peut faire une différence sur le résultat final car la majorité des bureaux concernés se trouvent dans le sud», bastion électoral de M. Karzaï.

D'après des résultats partiels portant sur 95% des bureaux de vote, M. Karzaï est en tête avec 54,3% des suffrages valides, contre 28,1% pour l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, soit une différence de près de 1,5 millions de voix pour l'heure.

De nombreux observateurs afghans et étrangers ont signalé des irrégularités dans tout le pays le jour du scrutin du 20 août. Des milliers de plaintes pour fraude ont été déposées devant l'ECC. Les résultats définitifs des élections ne seront proclamés qu'une fois ces enquêtes achevées.

Dès le lendemain du scrutin, M. Abdullah a accusé le président sortant de fraude à grande échelle avec la complicité de l'État.

Le nombre de fraudes détectées ne cessant d'augmenter, «nous nous dirigeons vers une impasse politique», avec Abdullah qui a prévenu qu'il n'accepterait pas un résultat dicté par la fraude ni ne participerait à un éventuel gouvernement Karzaï, estime l'expert Haroun Mir, du Centre afghan de recherches et d'études politiques.

L'IEC, qui annonce des résultats partiels au compte-gouttes depuis le 25 août, ne savait pas mardi quand seraient diffusés les prochains résultats, partiels ou totaux.

Le résultat définitif était initialement prévu pour le 17 septembre, mais pourrait être repoussé à bien plus tard au vu des nombreuses fraudes repérées par l'ECC.

Cette situation inquiète la communauté internationale, qui craint une vacance du pouvoir et que les talibans, dont les violences atteignent des records absolus ces derniers mois, n'en tirent profit.