La communauté internationale pousse à une annonce rapide des résultats de l'élection présidentielle en Afghanistan, craignant que les retards et les soupçons de fraude massive ne fassent le jeu des talibans, qui ne cessent d'intensifier leurs violences dans tout le pays.

La Commission des plaintes électorales afghane (ECC), qui enquête sur des milliers de possibles irrégularités, a annulé jeudi les bulletins de 83 bureaux de vote sur 25 450 au total pour des fraudes aux scrutins présidentiel et provinciaux du 20 août. L'annonce a provoqué l'inquiétude des pays occidentaux, qui craignent des résultats non crédibles alors que leurs opinions publiques sont de plus en plus hostiles à l'engagement militaire en Afghanistan.

Le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband s'est ainsi dit «préoccupé» par ces «très graves accusations de fraude».

Il a surtout reconnu que la lenteur de l'annonce des résultats était difficile à comprendre par la population du Royaume-Uni, où la procédure ne dure que quelques heures.

L'autre autorité électorale afghane, la Commission indépendante électorale (IEC), diffuse depuis le 25 août des résultats partiels au compte-gouttes. Les derniers, sur plus de 90% des bureaux de vote, plaçaient le président sortant Hamid Karzaï (54,1%) devant l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah (28,3%).

Les résultats sur 100% des bureaux devraient être annoncés samedi, mais ils ne deviendront officiels qu'au terme des enquêtes sur les fraudes, qui risquent de prendre du temps.

L'IEC a précisé vendredi que jusqu'à 500000 bulletins de vote pourraient faire l'objet d'investigations pour fraude.

La date-butoir pour la proclamation officielle des résultats est théoriquement le 17 septembre, mais de nombreux observateurs craignent un délai supplémentaire.

Washington a ainsi estimé que plusieurs mois pourraient s'écouler avant que l'on puisse proclamer un vainqueur.

«Je ne pense pas que le processus durera aussi longtemps, du moins je l'espère», car «ceux qui tirent un avantage de tout cela (...) sont les talibans et Al-Qaeda», a déclaré jeudi l'émissaire américain pour l'Afghanistan, Richard Holbrooke.

La crise politique couve depuis le lendemain du scrutin, lorsque MM. Karzaï et Abdullah avaient annoncé leurs victoires respectives, le second accusant le premier de fraude à grande échelle.

Parallèlement, les violences n'ont cessé de s'intensifier, avec des pertes records parmi les troupes étrangères, des attaques régulières contre des forces internationales dans Kaboul même, et une possible bavure de l'OTAN dans le nord, à Kunduz, où un raid aérien a fait des dizaines de morts, dont des civils.

Dans cette situation, «très mauvaise» selon un diplomate occidental à Kaboul, ses confrères croisent les doigts pour qu'un second tour ne soit pas nécessaire. Sinon, «on atteindrait les limites logistiques de l'État afghan», confiait récemment un responsable de l'ONU.

Un «think-tank» londonien, l'International Council on Security and Development (ICOS), a aussi exprimé sa crainte qu'au terme des enquêtes de l'ECC, qui pourraient durer «plusieurs semaines», il soit trop tard pour organiser un second tour dans les conditions éprouvantes du début de l'hiver.

«Cela repousserait le second tour au printemps», ce qui pourrait entraîner «une instabilité politique et une paralysie gouvernementale s'étirant sur de longs mois», ajoute l'organisation.

Plus optimiste, le diplomate occidental juge qu'«il y a eu ces derniers jours un bras de fer constitutionnel» entre l'IEC et l'ECC, qui s'est résolu «après une période de flottement», ce qui devrait dorénavant accélérer les choses.

Au final, «il y a un espoir d'arriver à un résultat crédible malgré tout» mais «personne n'est vraiment en mesure de dire ce qui va arriver», a-t-il ajouté.