C'est l'an 2509. Mahmoud Abbas est toujours le président palestinien et Israël la force occupante. Et les Palestiniens en rient à gorge déployée.

L'émission de satire politique «Watan a Watar» («Une patrie sur des airs discordants»), diffusée depuis le début du ramadan par la TV officielle palestinienne après le repas de rupture du jeûne, évoque avec humour et impertinence un quotidien pourtant maussade, fait d'occupation, de divisions et de pénurie économique.

Si les Palestiniens sont habitués à une certaine liberté d'expression, qui tranche avec la plupart de leurs voisins arabes, l'apparition d'un acteur imitant le président Abbas et tournant en dérision sa stratégie prônant la négociation avec Israël, en a surpris plus d'un.

Dans une récente émission, le comédien Imad Farajine, également scénariste du show quotidien, interprétait le rôle du président Abbas pendant un congrès imaginaire de son parti, le Fatah, en l'an 2509.

«Moi, les tirs je n'y crois pas. Pour moi, c'est négociations, négociations et négociations et celui qui veut tirer, je lui réglerai son compte», ironisait l'acteur, à l'adresse de «Dahlane XIV» et «Abou Walaa XVI», des «descendants» de deux des chefs actuels du Fatah.

On y voyait aussi la réplique M. Abbas chercher son laissez-passer délivré par Israël afin de lui permettre de se déplacer en Cisjordanie, toujours occupée dans 500 ans.

Yasser Abed Rabbo, le responsable en charge des médias officiels de l'Autorité palestinienne, a regardé l'émission en compagnie de M. Abbas et affirme que ce dernier en était «très content».

Au début de chaque épisode, M. Farajine et les deux autres stars de l'émission, Khaled Al-Masri et Manal Awad, poussent la chansonnette pour décrire sur un mode satirique les divisions nées de la violente prise de pouvoir dans la bande de Gaza par les islamistes du Hamas aux dépens de l'Autorité Palestinienne de M. Abbas, qui ne contrôle plus que la Cisjordanie.

«Nous parlions d'une patrie, aujourd'hui nous parlons de deux, nous parlions d'un pays, aujourd'hui nous parlons de deux, nous parlions d'un peuple, aujourd'hui nous parlons de deux», chantent-ils.

Si les dirigeants de l'Autorité palestiniennes sont les principales têtes de turcs des trois comédiens, le Hamas en prend aussi pour son compte.

Dans l'un des épisodes, on voit deux chefs du Hamas, qui prône officiellement la lutte armée contre Israël, pourchasser des combattants palestiniens pour les empêcher de tirer des roquettes sur le territoire israélien.

«La diffusion de cette émission par la télé officielle démontre qu'une marge de manoeuvre existe dans les territoires palestiniens et que les artistes peuvent la mettre à profit», explique M. Farajine à l'AFP.

«Nous avons plus que jamais besoin de ce genre d'autocritique. En tant qu'intellectuels et artistes, on ne doit pas passer sous silence les divisions palestiniennes», estime-t-il.

Le directeur des programmes à la TV palestinienne, Imad Al-Asfar, assure qu'«aucun responsable ne s'est plaint de l'émission depuis le début de sa diffusion». «C'est la première fois qu'une émission aussi ouvertement critique est produite par la télévision», souligne-t-il.

Et grâce au succès de l'émission, la télévision palestinienne a pu reconquérir une part des téléspectateurs qui l'avait délaissée pour des chaînes de divertissement libanaises ou à capitaux saoudiens aux programmes autrement plus affriolants.