Israël tente une percée inattendue en Afrique, notamment auprès de ses vieux alliés de la côte orientale, à l'occasion d'une tournée de son ministre des Affaires étrangères destinée entre autres à contrecarrer une offensive de charme iranienne dans la région.

Avigdor Lieberman devait passer le week-end au Kenya, avant de poursuivre sa tournée en Ouganda, au Nigeria et au Ghana. À sa première étape en Éthiopie, le chef de la diplomatie israélienne a appelé les pays africains à mettre à profit leurs relations souvent proches avec le monde arabe pour «contribuer à la paix au Proche-Orient».

Les pays choisis pour cette tournée sans guère de précédent illustrent la volonté d'Israël de s'appuyer sur des alliés avec qui les liens méritent visiblement d'être resserrés.

«La visite du président iranien Ahmadinejad à Nairobi en février dernier est très mal passée côté israélien», commente un diplomate occidental en poste à Nairobi.

Au Kenya et en Ouganda, comme avec l'Éthiopie, l'Inde, la Turquie ou les États d'Asie centrale -que M. Lieberman a également récemment visités- Israël «a toujours eu le souci de constituer une alliance de revers, derrière le monde arabe qui l'entoure», rappelle-t-on de même source.

Mais cette ligne de défense diplomatique a paru présenter des signes de faiblesse, à mesure que l'Iran poussait ses pions au Kenya -Téhéran est un des premiers importateurs de thé kenyan- ou aux Comores.

«La question iranienne sera évoquée durant cette visite, à la lumière des efforts que l'Iran accomplit pour s'installer dans la région et y opérer», selon le ministère israélien des Affaires étrangères.

Dans le même esprit, M. Liebermann avait, lors d'une tournée de dix jours en juillet en Amérique latine, demandé notamment au Brésil de «tenter de convaincre les Iraniens d'arrêter leur programme nucléaire».

Allié des États-Unis depuis la guerre froide, le Kenya avait fait savoir lors de la visite de M. Ahmadinejad qu'«une amitié avec un pays À n'excluait pas une amitié avec un pays B».

«Le Kenya a adopté sous la présidence de Mwai Kibaki une diplomatie très opportuniste, avec l'idée de rééquilibrer sa dépendance envers ses bailleurs de fonds traditionnels en se rapprochant de la Chine, de l'Inde ou des pays du Golfe», analyse-t-on de source diplomatique occidentale.

Pour donner plus de poids à sa visite, le ministre est accompagné d'une délégation d'une vingtaine de représentants de sociétés israéliennes.

À Nairobi, il signera un accord de partenariat sur la gestion de l'eau.

«Depuis l'indépendance du Kenya en 1963, Israël a été impliquée dans une coopération très étroite en agriculture, en médecine et en sécurité», commente l'ambassadeur d'Israël à Nairobi Jacob Keidar. Des officiers israéliens sont notamment réputés avoir aidé à former les forces spéciales au Kenya et en Ouganda.

Dans ce dernier pays, M. Lieberman rappellera une histoire dramatique commune, en commémorant l'intervention des forces spéciales israéliennes qui avaient mis fin à Entebbe, dans la nuit du 3 au 4 juillet 1976, à une prise d'otages par des militants palestiniens dans un avion d'Air France.

C'est par ailleurs en Ouganda que la puissance coloniale d'alors, la Grande-Bretagne et le mouvement sioniste de Theodor Herzl avaient envisagé au début du XXe siècle d'installer une patrie temporaire pour le peuple juif.