Le père de la bombe atomique du Pakistan, Abdul Qadeer Khan, en résidence surveillée depuis qu'il avait confessé en 2004 des activités de prolifération en Iran, Corée du Nord et Libye, a assuré mardi être à nouveau libre de ses mouvements, malgré les inquiétudes de Washington.

A 72 ans et malade, la Haute Cour d'Islamabad avait ordonné le 6 février dernier de lui rendre sa liberté, mais la police et l'armée continuaient de le maintenir en résidence surveillée et de limiter ses déplacements.

En fin de semaine dernière, après une plainte du docteur Khan, la Haute Cour de Justice de Lahore avait intimé l'ordre aux autorités d'expliquer ces restrictions, fixant une nouvelle audience au 4 septembre.

Le gouvernement avait fait valoir qu'il s'agissait de protéger le Dr Khan d'éventuels enlèvements, notamment par des services secrets étrangers ou des militants islamistes.

Mardi, des médias pakistanais rapportaient que les restrictions avaient dores et déjà été levées. «Par la grâce d'Allah, c'est vrai», a simplement confirmé à l'AFP celui qui est surnommé dans le pays «A.Q.» «Etes-vous un homme libre ?», lui a demandé le reporter de l'AFP. «Par la grâce d'Allah, oui», a-t-il répété.

La levée des restrictions a été confirmée à l'AFP par son avocat, Syed Ali Zafar.

«Pour ce qui est de la police, nous n'empêchons aucun de ses mouvements», a déclaré à l'AFP un haut responsable des forces de l'ordre de la capitale, sous couvert d'anonymat.

A la mi-journée, aucune source gouvernementale n'était disponible pour commenter l'information.

Abdul Qadeer Khan est considéré comme un héros national pour avoir hissé le Pakistan au rang de seule puissance nucléaire militaire du monde musulman, lui permettant de faire jeu égal dans ce domaine avec son voisin et rival de toujours, l'Inde.

Dans une confession publique télévisée en février 2004, il avait avoué, comme l'en accusaient depuis plusieurs années des gouvernements occidentaux, avoir dirigé un réseau qui avait vendu dans les années 1990 des secrets et de la technologie nucléaire militaire à l'Iran, la Corée du Nord et la Libye.

Le président d'alors, Pervez Musharraf, lui avait accordé son pardon mais l'avait maintenu en résidence surveillée.

Depuis, les Etats-Unis ont toujours réclamé de pouvoir l'interroger, tout comme des services de renseignements d'autres pays, mais en vain, Islamabad le maintenant reclus dans sa somptueuse villa à Islamabad, la capitale.

Plusieurs gouvernements soupçonnent que son réseau ne pouvait fonctionner sans l'aval ou la complicité de l'armée pakistanaise, qui avait la haute main sur le pouvoir, voire certains membres de gouvernements civils.

«Nous pensons qu'il représente encore un grave risque de prolifération et nous avons exprimé clairement au gouvernement pakistanais nos inquiétudes au sujet d'A.Q.Khan», a déclaré mardi à l'AFP un responsable du Département d'Etat américain qui a requis l'anonymat.

Aussitôt après le jugement du 6 février, le gouvernement pakistanais avait dû rassurer Washington, inquiet au sujet de nouvelles activités de prolifération.

A.Q. Khan n'a plus accès «à ce domaine stratégique», avait affirmé Islamabad, s'engageant toutefois, selon Washington, à continuer à «contrôler» ses mouvements, notamment à l'étranger.

Depuis plusieurs jours, l'accès à la villa du Dr Khan à Islamabad n'était plus barré par les policiers mais des hommes en civil, armés, qui se disaient ses «serviteurs» et refusaient poliment, en son nom, les demandes d'entretien.

Mardi, il ont pris la carte de visite du journaliste de l'AFP, promettant de la faire passer au Dr Khan.