Mettant de côté la crise politique qui l'afflige depuis le début de l'été, l'Iran a refait apparition dans le grand monde diplomatique, hier. Après des mois de silence dans le dossier nucléaire, la République islamique se dit prête à entamer des négociations avec les grandes puissances étrangères.

Lors d'une conférence de presse, hier, le négociateur en chef de l'Iran sur la question nucléaire, Saïd Jalili, a annoncé avoir préparé de nouvelles propositions pour ses interlocuteurs, le groupe 5»1, composé des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (États-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne, France) et de l'Allemagne. Sans donner de détails, M. Jalili a laissé entendre qu'elles dépassaient grandement la question de l'enrichissement d'uranium, inquiétude principale des pays étrangers et s'attaquaient aussi à des enjeux politiques, économiques et de sécurité. «Nous espérons un round de négociations pour réaliser la justice, le progrès et la paix», a dit M. Jalili.

Cette ouverture de l'Iran, la première depuis un appel de négociations de la part des puissances étrangères en avril dernier, survient à la veille d'une rencontre du groupe 5"1, à Francfort, pour discuter de sanctions additionnelles à imposer à l'Iran. Une date butoir plane au-dessus des deux parties à la négociation: le président américain a demandé à l'Iran de faire des compromis avant la tenue de l'assemblée générale des Nations unies, à New York, le 23 septembre.

«À l'intérieur du régime iranien, il y a une perte de contrôle depuis le début de l'été (à la suite de l'élection présidentielle). En répondant à l'appel d'Obama, le régime veut gagner du temps sur la scène internationale», croit Pierre Pahlavi, professeur au Collège des forces armées canadiennes, à Toronto. Expert de l'Iran, il note aussi que le régime marque des points à l'interne en ramenant la question du nucléaire sur le tapis. Une grande partie de la population iranienne trouve injuste que son pays ne puisse développer un programme nucléaire, alors que des pays comme l'Inde et le Pakistan le font. «La question nucléaire est une arme de persuasion massive en Iran, estime M. Pahlavi. Elle attise la fibre nationaliste.»

En Europe, l'annonce de Jalili a été reçue avec scepticisme. À la tête de l'équipe de négociations du groupe 5"1, Javier Solana a affirmé n'avoir pour le moment rien reçu de son vis-à-vis iranien. «Mais il y a quelqu'un au bureau pour prendre un appel ou recevoir une communication», a dit le no 1 de la diplomatie de l'Union européenne.

Dans un rapport rendu public vendredi dernier, l'AIEA a noté que l'Iran avait continué à installer des centrifugeuses dans son usine de Natanz et refusé de répondre à plusieurs questions. Ces dernières révélations ont amené certains dirigeants, dont Nicolas Sarkozy, à demander un renforcement des sanctions imposées à l'Iran.

Le dernier rapport semble avoir moins inquiété le patron sortant de l'AIEA, Mohamed El Baradei. Dans une entrevue récente à la BBC, ce dernier a remis en contexte la menace nucléaire iranienne. «Beaucoup de gens disent que le programme nucléaire iranien est la plus grande menace à la sécurité internationale. Je pense que cette menace est grandement exagérée».