À 5h00, un coup de sifflet strident tire Bazgha de son sommeil dans la plus grande école de police du Pakistan, à Sihala, près d'Islamabad. Elle n'a que quelques minutes pour la prière, avant une longue journée d'entraînement à la lutte antiterroriste.

Depuis deux ans, plus de 2000 de ses compatriotes ont péri dans près de 300 attentats à la bombe, dont la très grande majorité perpétrés par les kamikazes du mouvement des talibans pakistanais, affilié à Al-Qaeda. Islamabad a donc décidé de former en conséquence une police largement défaillante dans ce domaine. Mais cet effort est pour l'heure limité à l'école de Sihala.

Bazgha Salim Raza, 25 ans, est l'une des 40 cadettes et 433 cadets de la nouvelle promotion de Sihala et sera policière dans un an.

Aussitôt la prière terminée, l'instructeur Ghulam Rasool emmène les stagiaires dans une longue marche d'entraînement. «Puis je leur enseigne notamment les arts martiaux, les techniques de camouflage et les différentes manières d'approcher l'ennemi sans être repéré», explique-t-il avant d'aboyer: «progression du serpent».

Les recrues se plaquent au sol et commencent à onduler. «Je leur apprends aussi la progression du singe et celle du tigre, pour se cacher de l'ennemi dans les raids», dit Ghulam Rasool.

Les grandes villes, en particulier Islamabad, sont devenues des camps retranchés aux artères entravées par de nombreux check-points. Mais, tenus par des hommes mal formés, sous payés, effrayés et démotivés, ils se révèlent souvent inutiles face aux attaques.

Et les rares policiers dans la tenue noire caractéristique d'une fantomatique «unité antiterroriste», sous équipés, font pâle figure.

La nouvelle formation à Sihala insiste sur l'apprentissage du combat au corps-à-corps, la résistance psychologique, l'analyse de vidéos de surveillance, la médecine-légale. Jusque-là, les nouvelles recrues se contentaient d'apprendre à disperser des manifestations à coups de bâton et à tirer.

«Nous avons modernisé la formation depuis la vague d'attentats suicide et autres attaques terroristes», s'enorgueillit le directeur, Nasir Khan Durrani.

«On doit tous s'épauler pour mener ce combat contre les terroristes», lance fièrement Bazgha, raide dans son uniforme bleu nuit.

Les cours seront bientôt dispensés par «les meilleurs experts et les vieux instructeurs seront remplacés par des officiers qui ont été confrontés aux attaques suicide», promet le directeur.

«Nous sommes également en pourparlers avec les États-Unis qui doivent nous fournir deux experts en technique d'enquête médico-légales et en déminage», assure-t-il.

Mais des officiers estiment qu'une meilleure formation, nécessaire, ne suffira pas, car la police manque cruellement de moyens.

«Nos policiers devraient avoir des équipements pour écouter et localiser des téléphones portables», du matériel de base, plaide Sharf-ud-din Memon, un haut responsable de la police de Karachi, la grande ville du sud du Pakistan.

La police est aussi en sous-effectifs: 383 000 policiers pour plus de 167 millions d'habitants.

Autre plaie, la motivation: le gouvernement a eu beau doubler le salaire des policiers cette année, il reste très bas, avec 12000 roupies mensuelles au bas de l'échelle, à peine plus de 100 euros.

L'école de Sihala a reçu cette année une rallonge de 38000 euros, mais cela ne suffira pas pour payer tous les instructeurs, s'inquiète Arif Babar, son porte-parole.