La Commission électorale afghane, qui publiera mardi les premiers résultats de l'élection présidentielle du 20 août, est assaillie de critiques depuis le jour du vote, nombre d'observateurs dénonçant son penchant pro-Karzaï et la jugeant complice, voire actrice, des fraudes.

Les soupçons de partialité ont émergé dès le soir du vote jeudi, lorsque que le président de l'instance électorale, Azizullah Lodin, s'est félicité d'une participation «massive», alors que des informations dans tout le pays indiquaient une participation très moyenne, et faible (jusqu'à 10%) dans le sud. Dans la journée de jeudi, un porte-parole de la Commission, première entité afghane à gérer une élection depuis l'arrivée de la communauté internationale dans le pays fin 2001, affirmait que la participation pourrait atteindre 50%.

C'est «une blague», avait alors lâché un diplomate occidental, notant une participation «faible dans tout l'arc sud-est», bastion de la rébellion des talibans, qui avaient menacé de s'en prendre aux électeurs.

La Commission, qui n'a toujours pas publié les chiffres de la participation, doit commencer mardi à dévoiler de premiers résultats partiels.

«Et plus cela traîne, plus les soupçons de manipulation vont être forts», souligne l'analyste afghan Haroun Mir.

D'autant que selon nombre d'experts, le président sortant Hamid Karzaï a besoin de recueillir une bonne partie des voix du sud, ces régions pachtounes déchirées par l'insurrection, d'où il est originaire, pour s'assurer une victoire dès le premier tour.

Avant même l'élection, les opposants de M. Karzaï dénonçaient la très grande proximité entre M. Lodin et le président sortant, dont il a été le conseiller et qui l'a nommé à la tête de l'IEC par décret le 3 janvier 2007.

L'opposition parlementaire avait réclamé en vain de pouvoir se prononcer par vote sur cette nomination, ce que M. Karzaï a toujours refusé.

Avant le scrutin, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) avait estimé que M. Lodin «a clairement montré son parti pris contre certains candidats de l'opposition».

Plus grave, depuis le vote, la Commission électorale et son président sont accusés de manipulations en faveur du chef de l'État sortant.

Sans surprise, les critiques les plus violentes viennent du principal rival de M. Karzaï, l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah. «Le président de la Commission électorale travaille pour le président sortant, c'est évident», a-t-il affirmé dimanche.

Une partie des «plus de 100 plaintes» pour irrégularités déposées par le camp Abdullah mettent directement en cause la Commission.

Des organes indépendants comme la FEFA, principale organisation d'observateurs électoraux afghans (près de 7000 déployés le jour du vote), ou la mission d'observation de l'Union européenne, n'ont pas non plus caché leurs inquiétudes face aux nombreux témoignages dénonçant l'attitude pro-Karzaï des membres de l'IEC.

«C'est vrai que l'IEC a un penchant clair. Mais ils ne sont peut-être pas autant acteurs des manipulations présumées que témoins consentants ou complices», nuance le diplomate occidental.

Abdullah Abdullah et un autre candidat, Ashraf Ghani, affirment que dans certaines régions, les membres de l'IEC ont laissé des partisans de M. Karzaï, des hommes armés, ou la police, diriger les opérations de vote en faveur du sortant.

Mais certaines des plaintes déposées par M. Ghani accusent également des agents de l'IEC d'avoir poussé des électeurs à voter pour M. Abdullah,