Les Afghans, qui ont pour beaucoup grandi au milieu des violences, se disent prêts à défier la mort pour voter jeudi, après avoir assisté à la première véritable campagne électorale de leur histoire, mais doutent que leur prochain président puisse amener la paix.

Les quelque 17 millions d'électeurs inscrits ont jusqu'à jeudi pour choisir leur candidat ou s'abstenir pour le second scrutin présidentiel de l'histoire de leur pays, après 2004, et l'élection de leurs conseillers provinciaux. «Il y a des rumeurs selon lesquelles les talibans vont s'en prendre aux élections», reconnaît Amina, une veuve de 35 ans vivant dans la ville de Kandahar, touchée par de multiples attaques rebelles.

«Je mourrai peut-être, mais je voterai, en connaissance de cause. Je ne suis pas meilleure que d'autres. Je vais prendre le risque», dit-elle.

Même si les rebelles n'ont jamais tué autant de soldats étrangers et de civils depuis 2001, et si l'Afghanistan reste le cinquième pays le plus pauvre du monde, les libertés y ont nettement progressé depuis la chute du régime fondamentaliste des talibans il y a près de huit ans.

L'économie s'est ouverte aux investissements étrangers, la télévision, la radio et les téléphones portables ont envahi les villes et des millions de réfugiés sont rentrés au pays.

«Les élections sont un des principes essentiels de la démocratie et sont indispensables. Oui, il y a des problèmes, mais je pense que les Afghans vont voter», estime Fazel Ali Farzil, diplômé de sciences politiques de l'université de Kandahar.

«Il y aura des problèmes dans certains endroits, mais pas partout. Après tout, les explosions, les attentats suicide et les meurtres ne sont pas quelque chose de nouveau, les gens y sont habitués», dit-il.

Malgré les menaces d'attaques des talibans, qui pourraient entraîner une forte abstention, l'Afghanistan a vécu cet été la première vraie campagne électorale de son histoire.

Bien plus qu'aux élections de 2004 et 2005, les principaux candidats ont rassemblé des milliers de partisans dans de grands meetings, participé à des débats télévisés et arpenté inlassablement le territoire.

Et la population a le choix entre plusieurs compétiteurs connus: le président sortant et favori Hamid Karzaï, l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani, voire l'excentrique député Ramazan Bashardost.

«Tous ceux que je vois sont intéressants car ils parlent tous de l'intérêt du pays, de la sécurité et de reconstruire l'Afghanistan», confie Habibullah, 25 ans, vendeur de vêtements à Kaboul, sans révéler son choix.

«Je donnerai ma voix à celui qui sert le pays et le peuple, qu'il soit Afghan, ouzbek ou tadjik» (des minorités locales), affirme Kamal-ud-Din.

Mais ce fermier de 75 ans, qui visite la capitale, ne voit «personne de bien pour le moment», car «ils font tous des promesses mais ne les tiennent pas».

Si beaucoup d'Afghans considèrent le fait de voter comme un devoir, d'autres voient de bonnes raisons de s'abstenir, sans illusion sur le pouvoir de la population de faire évoluer une société rongée par la corruption et le népotisme, et alors qu'augmentent les craintes de fraudes électorales.

«Je ne voterai pas. Pour qui devrais-je voter? Ca ne sert à rien. Il n'y a aucun candidat qui s'inquiète de la nation et du pays», lance Saïd Ahmad Shah, 57 ans, qui travaille dans un magasin d'électroménager.

«L'argent dépensé pendant la campagne, ils devraient le donner aux pauvres. Mais ils voyagent toujours dans de luxueux 4X4», dénonce-t-il.