Il ne part pas favori de l'élection présidentielle afghane de jeudi, mais Ashraf Ghani, un économiste internationalement respecté, promet de tirer son pays de la pauvreté et des griffes des chefs de guerre.

La campagne de cet universitaire de 60 ans, qui a renoncé à sa nationalité américaine pour pouvoir concourir, promet aux Afghans «un nouveau départ». Il présente un programme sur 20 ans destiné à doper l'économie, l'une des plus pauvres au monde, et détourner sa jeunesse de la guerre.

Premier objectif: que «d'ici deux ans, 60% de la population dise que les choses vont dans la bonne direction», explique-t-il à l'AFP.

Un sondage publié vendredi par un institut américain ne le crédite que d'une décevante quatrième place, loin derrière le président sortant Hamid Karzaï (44% des intentions de vote), l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah (26%) et même l'ex-ministre du Plan Ramazan Bashardost (10%).

À contre-courant de la stratégie du tout militaire jusqu'à présent impulsée par les États-Unis, tombeurs des talibans à la fin 2001 avant de porter Karzaï au pouvoir, Ghani prône «20% de force et 80% de politique et de développement».

Ni ancien chef de guerre ni politicien de métier, l'ancien cadre de la Banque mondiale, docteur de la prestigieuse université new-yorkaise de Columbia, fut ministre des Finances d'Hamid Karzaï entre 2002 et 2004.

Il y acquit une réputation internationale mais reste peu connu dans son pays, où sa santé fragile -il a souffert d'un cancer de l'estomac pendant 12 ans- n'est pas un gage de confiance pour les électeurs.

L'homme à la réputation de forte tête ne fut toutefois pas repris dans le gouvernement Karzaï après la présidentielle de 2004.

Son credo: mettre l'accent sur la lutte contre le chômage, «moteur essentiel» de la rébellion. Pour nombre d'Afghans, un taliban est d'abord «un jeune au chômage», souligne-t-il.

Son plan: «diviser le pays en sept zones économiques», concentrer d'abord le développement sur «huit provinces modèles» avant d'étendre ce schéma aux 26 autres. Et construire «un million de nouvelles habitations», créer «un million d'emplois», etc.

L'Afghanistan étant «inondé» par les milliards de dollars de l'aide internationale, l'argent n'est pas un problème, souligne-t-il, mais plutôt la gestion des fonds, gaspillés à 70% en raison de l'incompétence et de la corruption.

Sa critique du président sortant se passe de nuances: M. Karzaï comprend si peu les problèmes de son pays que c'en est «risible».

«Le président n'a montré de capacité à gouverner sur aucun problème. Il n'a rien fait qui puisse justifier cinq ans de plus» au pouvoir, assène-t-il.

Il n'est pas plus tendre envers les colistiers ou les soutiens de Karzaï, parmi lesquels des anciens chefs de guerre très controversés, notamment pour leur implication dans la sanglante guerre civile des années 1990.

Pachtoune, comme M. Karzaï, Ashraf Ghani a, comme lui, choisi des colistiers des minorités tadjike et hazara. Mais moins connus. «Évidemment, puisqu'ils n'ont connu aucun crime contre l'humanité!», raille l'outsider.

«Je n'ai pas passé d'accord avec un seul chef de guerre, n'ai pas offert de ministère, de poste de gouverneur», souligne-t-il.

Face à un gouvernement symbole «de corruption, de violation des droits de l'Homme, de perpétuation de la violence et de gaspillage des fonds publics», il se veut le porte-parole des «nouveaux Afghans», ceux qui n'ont pas de sang sur les mains et dont les «espoirs» ont été «profondément déçus» par M. Karzaï.