Personnage à part de la scène politique afghane, que ses adversaires disent volontiers fou, l'ancien ministre Ramazan Bashardost, 48 ans, aura marqué la campagne présidentielle afghane par ses discours enflammés contre la corruption et les chefs de guerre.

Candidat considéré au départ comme marginal, tant par son style de vie -il vit dans une tente et sans le sou- que par sa personnalité imprévisible et ses emportements, il aura gagné un certain respect par sa campagne remarquée, sans toutefois pouvoir prétendre à la victoire finale. Il a connu une première consécration dimanche dernier en étant invité à débattre devant les caméras de télévision face au favori de l'élection, le sortant Hamid Karzaï, et à l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani.

Vêtu de sa tenue de campagne habituelle -une longue chemise traditionnelle d'un blanc immaculé, au col ceint des couleurs nationales, vert, rouge et noir-, il s'est comme de coutume emporté, toujours un brin théâtral, contre ses deux bêtes noires, les chefs de guerre «criminels», pour beaucoup alliés à M. Karzaï, et la corruption du gouvernement et de ses alliés internationaux.

Un sondage publié vendredi par un institut américain en fait l'invité surprise du trio de tête au premier tour avec 10% des intentions de vote, derrière le président sortant Hamid Karzaï (44%) et l'ancien ministre des Finances Abdullah Abdullah (26%).

Cela fait près de cinq ans que Kaboul a découvert le singulier personnage de Ramazan Bashardost, fils de fonctionnaires et titulaire d'un doctorat en droit décroché en France, où il a passé 19 ans. Il est, de loin, l'un des candidats à la présidentielle les plus diplômés.

En 2004, le franc-tireur hazara -une minorité mongole chiite- quitte avec fracas son poste de ministre du Plan du gouvernement Karzaï, après s'être fait nombre d'ennemis par d'incessantes diatribes contre la corruption.

L'épisode assoit son image de Don Quichotte populaire dans un pays qui se demande où passent les milliards de dollars d'aide internationale. Un an plus tard, il est facilement élu député de Kaboul.

Pour «réduire (ses) frais d'essence», il s'installe face au Parlement, dans une tente jaunasse rudimentaire de 15 mètres carrés où il reçoit tout électeur qui s'y présente et dort le soir sur un vieux lit de camp, entouré de quelques livres.

Au parlement, il s'est fait remarquer par ses coups d'éclats et ses discours enflammés contre les chefs de guerre et de factions, largement représentés dans l'Assemblée.

Il a jeté toutes ses forces dans la campagne présidentielle, qu'il a menée à travers le pays, modestement et grâce à la générosité de mécènes expatriés.

Ses adversaires le disent volontiers fou. «Ils ne peuvent pas dire que je me suis fait acheter, donc c'est le seul argument qu'ils trouvent», répond Bashardost, qui présente un programme très élaboré de 52 mesures.

Des analystes lui prédisent un score de 5 ou 6%, mais lui se dit persuadé de sa victoire «au premier tour». Son discours aux accents humanistes, démocrates et post-ethniques reste avant-gardiste dans un pays verrouillé par les groupes armés et les alliances politico-tribales. Et suscite des réactions paradoxales au sein de la population.

«Les gens l'aiment bien mais ne le prennent pas au sérieux. Parce qu'un président doit pour eux être un roi, pas un prophète en sandales», explique un journaliste local.

Il vit seul, car «quand on est Bashardost, on ne peut pas être marié». «Vous savez ce que c'est, les femmes, elles veulent de l'argent pour aller au restaurant, acheter des vêtements. Mais je ne peux pas, quand mes compatriotes meurent de faim ou n'ont pas de toit», expliquait-il à l'AFP en juillet.