Fort d'une campagne dynamique, l'ancien ministre afghan des Affaires étrangères Abdullah Abdullah apparaît comme le principal adversaire à la présidentielle de jeudi du président sortant Hamid Karzaï, dont il ne cesse de fustiger le bilan de sa douce voix.

Parmi les 40 rivaux de M. Karzaï, le revanchard «docteur» Abdullah semble selon les analystes le plus à même de pousser le chef de l'État, qui l'a limogé après cinq ans à la tête de sa diplomatie, à un second tour. «Karzaï a fait d'une occasion en or un désastre. Il n'y aucune raison de lui donner cinq ans de plus», a-t-il lancé lors d'un récent meeting.

Arpentant infatigablement le pays, il a nettement augmenté ses chances de l'emporter selon les observateurs. Au dernier jour de la campagne, lundi, il a rassemblé des milliers de fans dans le stade de Kaboul pour un show à l'américaine, avec distribution de casquettes et drapeaux, hélicoptère larguant des tracts, etc. Un sondage publié vendredi par un institut américain le place, avec 26% des intentions de vote, en deuxième position derrière Hamid Karzaï, des résultats qui lui permettraient de pousser le président sortant à un second tour.

Né en 1960, marié et père de trois filles et un fils, cet ophtalmologiste a construit sa réputation pendant les trois décennies de guerres afghanes en tant que bras droit du «héros national» Ahmad Shah Massoud, célèbre résistant à l'occupation soviétique et au régime taliban, assassiné le 9 septembre 2001.

Il dénonce souvent la «déconnexion» entre le gouvernement Karzaï et la population qui subit corruption et violences rebelles, un fossé qui a permis à ces derniers de gagner plus de soutiens, souligne-t-il. Il critique également l'état selon lui atterrant d'un pays qui disposait d'énormes opportunités après la chute des talibans, lorsque les milliards de dollars d'aide internationale commençaient à y affluer. «La sécurité se détériore, la situation politique est chaotique, les problèmes des gens (...) ne sont pas traités comme ils devraient l'être», déclarait-il récemment à l'AFP. «Mon principal projet est d'améliorer la situation, de créer un espoir parmi la population», ajoutait-il.

Il propose par exemple de modifier la Constitution pour se débarrasser du système étatique centralisé, et de nommer un premier ministre et des dirigeants au niveau des provinces, qui représenteraient mieux la population, la poussant ainsi à s'impliquer plus.

À l'exception de ces mesures, il sera tout au long de la compagne resté très avare en propositions concrètes pour sortir le pays de l'ornière.

La mère de M. Abdullah est issue de la minorité tadjike, et il est associé aux Tadjiks du bastion de Massoud, la vallée du Panshir, au nord de Kaboul. Mais son père était un Pachtoune, une ascendance dont il espère qu'elle lui ralliera des voix de cette ethnie, la première du pays.

Politicien respecté, Abdullah se dit optimiste quant à l'issue des élections. «Si nous avons des élections crédibles et transparentes, le peuple afghan fera peut-être de meilleurs choix pour lui-même», espère-t-il.

L'universitaire Nasrullah Stanikzaï, observateur de la politique afghane, voit en lui l'un des meilleurs parmi des dizaines de candidats falots. Mais Abdullah, comme un autre candidat -l'ancien ministre de l'Économie Ashraf Ghani - pourrait pâtir de sa participation au gouvernement Karzaï, juge l'universitaire. «Ils ont travaillé au gouvernement pendant des années, et si aujourd'hui l'équipe de Karzaï a échoué, eux aussi sont considérés comme ayant échoué», analyse-t-il.