Malgré un premier congrès en 20 ans marqué par les dissensions internes, le mouvement Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas a réussi à renouveler son leadership cette semaine. Parmi les nouveaux visages élus mardi au sein du comité central du parti figure un des prisonniers les plus célèbres d'Israël, Marwan Barghouti.

«Êtes-vous certaine de ce que vous me dites? Il faudra vérifier ça.» Au bout du fil, l'ancien ministre palestinien Ghassan Khatib n'en croyait pas ses oreilles. Dans une entrevue au journal Haaretz, un ministre israélien réputé de droite a suggéré cette semaine de remettre en liberté Marwan Barghouti, condamné à cinq peines d'emprisonnement à vie il y a à peine cinq ans.

 

Figure de proue de la résistance armée palestinienne et successeur potentiel au président Mahmoud Abbas, Marwan Barghouti était député quand il a été arrêté puis reconnu coupable par un tribunal israélien d'avoir fomenté des attentats terroristes qui ont tué quatre Israéliens et un moine grec. Après avoir reçu sa dure sentence, en 2004, Barghouti, loin de se résigner, avait souri aux caméras et levé ses mains menottées pour faire le V de la victoire. L'image, qui en avait scandalisé plusieurs en Israël, avait nourri sa popularité dans les territoires palestiniens.

De sa cellule de prison, Marwan Barghouti n'a jamais cessé de faire de la politique. Même si ses conditions de détention lui permettent difficilement de communiquer avec ses supporters, il a été élu mardi au comité central du mouvement Fatah, fondé par Yasser Arafat il y a plus de 50 ans.

Son élection a fait couler beaucoup d'encre. Âgé de 50 ans, Marwan Barghouti fait partie de la «jeune garde» du Fatah. Avant cette semaine, aucun des 18 membres du comité central n'avait moins de 70 ans.

Né en 1959, dans un village près de Ramallah, en Cisjordanie, Marwan Barghouti n'avait que 8 ans au début de l'occupation israélienne. À 15 ans, il rejoignait le Fatah et très rapidement, il atterrissait derrière les barreaux. Libéré, il a entrepris des études universitaires et a joué un rôle central dans la première Intifada. En 1987, il était expulsé en Jordanie.

Ce n'est qu'à la suite des accords d'Oslo que Marwan Barghouti est rentré en Cisjordanie, mais déçu par l'évolution des choses, il incitait six ans plus tard ses concitoyens à utiliser la force de nouveau contre les Israéliens à l'intérieur des territoires occupés.

Pourquoi donc, malgré cette feuille de route, le ministre israélien des minorités, Avishai Braverman, plaide-t-il pour sa libération? «Barghouti peut renforcer les modérés (au sein du Fatah) qui veulent une solution diplomatique et un accord avec l'État d'Israël», a-t-il dit en entrevue.

Ghassan Khatib, qui est un ami proche de Marwan Barghouti depuis le début des années 80, est on ne peut plus d'accord. «Marwan a toujours été l'un des plus grands défenseurs du processus de paix avec Israël», se rappelle celui qui a participé aux négociations de paix avec l'État hébreu.

Dans des éditoriaux publiés par de grands journaux américains, dont le Washington Post, Marwan Barghouti a expliqué à maintes reprises qu'il reconnaît le droit d'Israël d'exister en tant qu'État mais pas son droit d'occuper les territoires palestiniens. Il prône la résistance armée à l'intérieur de la Cisjordanie et de Gaza, mais s'oppose aux attentats terroristes commis sur le sol israélien.

Dans un contexte où le Hamas, le parti islamiste, est un rival sérieux du Fatah, plus modéré, à l'intérieur des territoires palestiniens, le discours de Marwan Barghouti trouve ces jours-ci de nouveaux entendeurs, et ce, même dans les rangs de la droite israélienne.