Premier procès en Iran pour les «émeutiers» du mouvement de contestation post-électorale. Une centaine de militants politiques et de manifestants arrêtés depuis le 12 juin, dont des responsables de premier plan de l'opposition réformatrice, ont comparu samedi à Téhéran, rapporte la presse officielle.

Il s'agit du premier procès de personnes arrêtées dans les manifestations visant à dénoncer la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Selon l'agence de presse officielle IRNA, les accusés de ce premier procès sont poursuivis pour conspiration contre le système, attaques de bâtiments officiels et militaires ou encore liens avec des groupes d'opposition armée.

Selon l'agence semi-officielle Fars, qui les qualifie d»'émeutiers», les accusés seraient plus de 100. Parmi eux figurent plusieurs responsables politiques de premier plan du camp réformateur.

Comparaissent notamment l'ancien vice-président Mohammat Ali Abtahi, l'ancien porte-parole du gouvernement Abdollah Ramezanzadeh, l'ancien vice-président du Parlement Behzad Nabavi, l'ancien ministre adjoint des affaires étrangères Mohsen Aminzadeh et enfin le dirigeant du principal parti réformateur, le Front iranien de la participation islamique, Mohsen Mirdamadi.

Parmi les autres jugés figuraient deux ressortissants étrangers, l'universitaire irano-américain Kian Tajbakhsh et le journaliste de ôôNewsweek» Maziar Bahari, qui détient la double nationalité canadienne et iranienne.

Des images de la salle du tribunal montrent Mohammat Ali Abtahi très amaigri et Mohsen Mirdamadi à l'air sombre, en uniforme de prisonnier, assis au premier rang. Dans la salle, bondée, il y a au moins une centaine de prévenus, pour la plupart menottés mais sans uniforme de prisonniers. Un parlementaire réformateur Mohammad Reza Tabesh a dit avoir appris de la femme de Mohammad Ali Abtahi que l'ancien vice-président avait perdu 18kg en 43 jours de détention.

D'après l'agence IRNA, le ministère public a lu au cours de l'audience l'acte d'accusation. Selon ce document de 15 pages, trois des plus importants partis d'opposition ont comploté en vue de mener à bien une «révolution de velours» afin de renverser la république islamique.

Ces partis d'opposition, poursuit l'accusation citée par l'agence IRNA, ont perçu un financement d'organisations non gouvernementales, et ont voulu se servir de la polémique autour du scrutin présidentiel pour perpétrer leur complot. «Sur la base des preuves obtenues et des aveux fondés des prévenus, ces événements avaient été planifiés à l'avance et des étapes de la révolution de velours ont été mis en oeuvre conformément à un calendrier», selon l'acte d'accusation.

Mohammat Ali Abtahi avait servi comme vice-président sous l'ancien président réformateur Mohammad Khatami, un grand allié du principal candidat réformateur lors de la présidentielle du 12 juin, Mir Hossein Moussavi, qui a demandé l'annulation du scrutin. Mohammad Khatami lui-même a parlé d'une «révolution de velours», mais une révolution menée selon lui par le régime conservateur contre le peuple iranien.

L'agence IRNA a ensuite rapporté que lors de l'audience de samedi M. Abtahi avait avoué avoir participé à des préparatifs pour fomenter des troubles avec d'autres dirigeants réformateurs et maintenir des «gens dans la rue parce que cela aurait eu du sens dans le cadre d'une fraude électorale». Selon les organisations de défense des droits de l'Homme de tels aveux sont souvent obtenus par des mauvais traitements.

Dans les propos cités par IRNA, il explique que le puissant ancien président Akbar Ashémi Rafsandjani aurait soutenu Moussavi pour se venger de Mahmoud Ahmadinejad qui l'avait battu lors de la présidentielle de 2005, de l'ayatollah Ali Khamenei.

On ignore quand ce procès doit s'achever, ni la date prévue du verdict. Le site internet réformateur www.mowjcamp.com a dénoncé le procès, expliquant que les accusés n'ont pas d'avocats et qu'il n'y a pas de jury. «Ceux qui ont organisé ce procès spectacle» se trompent en pensant que «la nation va rester silencieuse devant le massacre de ce que le pays a de meilleur», lit-on sur ce site.

Des centaines de milliers d'Iraniens ont participé aux gigantesques manifestations de masse pour dénoncer les résultats officiels de la présidentielle, qui ont reconduit le sortant, Mahmoud Ahmadinejad et réclamer un nouveau scrutin, en vain. Ahmadinejad doit être officiellement confirmé cette semaine et prêter serment mercredi devant le parlement.

Des centaines de personnes, si ce n'est des milliers, ont été arrêtées dans la répression lancée par le régime. Les témoignages sur les mauvais traitements subis en prison par certains opposants relâchés depuis ont déclenché des critiques, même au sein même du clan conservateur du pouvoir iranien.