Le Pakistan a échoué à réformer, comme il s'y était engagé en 2002, ses milliers de madrasas considérées pour certaines comme des écoles du «jihad», Islamabad se heurtant à la résistance des milieux islamistes.

Grâce à l'appui des États-Unis, «nous disposions d'un budget colossal de 5,76 milliards de roupies (70 millions de dollars) pour apporter aux étudiants en séminaires des enseignements classiques, mais nous n'avons pas pu utiliser l'argent», admet à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Éducation, Atiq-Ur-Rehman. Le gouvernement a ainsi raté son objectif de «modernisation» de 8 000 écoles coraniques en cinq ans: «Nous n'avons réformé que 507 séminaires pour seulement 333 millions de roupies (quatre millions de dollars) dépensés», reconnaît M. Rehman. «Tout ce qui n'a pas été dépensé est perdu», soit près de 65 millions de dollars, fulmine-t-il. Il y a officiellement 15 148 madrasas enregistrées au Pakistan, accueillant gratuitement deux millions d'écoliers et leur offrant une éducation centrée sur l'islam. L'immense majorité de ces écoles coraniques apportent aussi un enseignement de base indispensable dans un Pakistan de 168 millions d'âmes qui consacre moins de 2% de son Produit national brut à l'éducation. Le réseau des madrasas est toutefois bien minoritaire dans un pays qui compte environ 155 000 écoles publiques et 36 000 établissements privés, accueillant 34 millions de jeunes.

Le 12 janvier 2002, le président pakistanais de l'époque, Pervez Musharraf, avait solennellement annoncé une série de mesures d'enregistrement, de modernisation, voire de légère «laïcisation» des madrasas, sous la pression des États-Unis qui avaient fait du Pakistan leur allié dans leur «guerre contre le terrorisme».

Il s'agissait d'introduire des cours d'informatique, de sciences exactes et sociales ou d'anglais, avec la volonté affichée par Washington et Islamabad d'éviter que de jeunes séminaristes pakistanais venant de milieux défavorisés ne mènent le «jihad», la guerre sainte, contre l'Occident.

Mais en sept ans, les efforts des autorités ont buté sur la résistance acharnée des fédérations de madrasas dirigées par des dignitaires d'obédiences sunnites et chiites. «Le ministère de l'Intérieur a discuté avec diverses madrasas: beaucoup ont refusé toute ingérence gouvernementale», reconnaît le mufti Gulzar Ahmed Naimi, de l'alliance des dignitaires sunnites, Jamat Ahl-e-Sunnat.

Lors de la naissance du Pakistan le 14 août 1947, il n'y avait que quelques dizaines de madrasas. Elles ont commencé à se multiplier avec l'islamisation lancée par le dictateur Zia-ul Haq arrivé au pouvoir en 1977, puis avec l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979 qui a transformé le Pakistan en base arrière du «jihad» contre l'armée de Moscou.

Grâce au financement de l'Arabie saoudite et d'autres monarchies du Golfe, on dénombrait à la fin des années 1980 près de 3 000 écoles religieuses au Pakistan, dont plus de la moitié gérées par des sunnites fondamentalistes. Dans les années 1990, le mouvement taliban en Afghanistan avait largement puisé dans les madrasas pakistanaises. Beaucoup de recrues de ces écoles coraniques sont également parties lutter contre «l'occupation indienne» au Cachemire, un territoire divisé en deux, à majorité musulmane et que se disputent New Delhi et Islamabad.

Aujourd'hui, dans le sillage de l'offensive en cours de l'armée pakistanaise contre des talibans pakistanais, l'analyste Talat Masood pense que le gouvernement devrait relancer sa réforme des madrasas et ainsi «montrer qu'il est déterminé à juguler le terrorisme par tous les moyens».