Les Sahwa, ces anciens insurgés sunnites ayant retourné leurs armes contre leurs camarades, craignent le pire après le retrait américain mardi des villes, car ils sont dans la ligne de mire d'Al-Qaeda et regardés avec suspicion par les autorités de Bagdad.

«Avec les soldats américains présents, nous avons confiance. Nous savons que les terroristes ne viendront pas nous attaquer. Ils savent qui est le plus fort. Mais après leur départ...», soupire Abou Ali, un jeune homme de 25 ans qui ne veut pas donner son vrai nom.

Avec un camarade, il monte la garde sur une route désertique près de Khan Bani Sadr, une localité du sud de la province de Diyala, qui fut l'une des plus violentes d'Irak et où Al-Qaeda exerçait son contrôle.

Plus jeune Abdallah, 19 ans et les traits poupins, acquiesce en triturant la lanière de sa vieille kalachnikov.

«Quand les Américains partiront, les milices iraniennes vont arriver», renchérit-il en faisant allusion à l'Armée du Mahdi, la milice du chef radical chiite Mosqtada Sadr et les Brigades Badr qui furent le bras armé du Conseil supérieur islamique d'Irak (CSII) considéré comme proche de Téhéran.

Dans cette province agricole d'un million et demi d'habitants en majorité sunnites mais avec une très forte présence chiite et kurde, les sahwa sont réellement 10 000 même si officiellement il y a 15 000 enregistrés, selon une source de sécurité irakienne.

À quelques kilomètres, sur un chemin en terre battue, trois autres Sahwa montent aussi la garde. Ce sont des paysans du village voisin d'Abou Bassal.

«Bien sûr que nous avons peur», répond Alaa Taleb, 19 ans, quand on lui demande s'il craint le départ des forces américaines, qui maintiendront toutefois jusqu'à la fin 2011 cinq bases en dehors des villes, dont une près de Khan Beni Saad, et pourront être appelées en renfort.

Dans la nuit d'encre, des aboiements les mettent sur leur garde. «Si les terroristes reviennent ils nous tueront. Comment voulez-vous que nous nous défendions avec ça», se plaint Qassem Ali, 25 ans, en montrant son vieux fusil.

La paie est également devenue un sujet de contentieux qui pourrait remettre en cause la loyauté des Sahwa. Beaucoup faisaient le coup de feu dans les rangs des insurgés avant de changer de camp en 2007 et d'être payés 300 dollars.

Depuis janvier, le gouvernement irakien a réduit la solde à 100 dollars versée souvent avec retard. «Nous attendons nos salaires depuis janvier», peste Abdallah al-Obeidi, un chef local des Sahwa, venu faire une visite à la base américaine de Key West.

Assis sous une grande bannière étoilée, il lance, après avoir serré la main d'un officier américain: «Vous ne pouvez pas partir, vous n'avez fait que la moitié du travail».

L'amertume transparaît dans son voix. «Sans nous, ils n'auraient pas pu vaincre Al-Qaeda. Nous avons rendu un service inestimable et si demain nous cessions notre tâche, la sécurité se détériorait rapidement», dit-il en confiant avoir été arrêté à plusieurs reprises par l'armée irakienne sans raison.

«Après le retrait des Américains des villes, nous allons être visés par le gouvernement et par Al-Qaeda», insiste l'homme.

«Ils sont nerveux car ils sont sunnites et pendant longtemps leurs ennemis étaient les chiites», parvenus au pouvoir à Bagdad après l'invasion de 2003, explique le capitaine Jeffrey Harmon.

Mais, ajoute l'officier américain, «les Sahwa sont censés être une force de transition. Ils ont été transférés au gouvernement et seront ensuite intégrés dans des forces de sécurité ou embauchés pour des emplois locaux», dit-il.