La parution d'une enquête du Pentagone sur des bombardements américains en Afghanistan qui se sont soldés par de nombreuses victimes civiles en mai a été retardée pour cause de débat interne sur les détails pouvant être révélés, a-t-on appris jeudi de source officielle.

Le département américain de la Défense a promis depuis plusieurs semaines de publier un rapport non classifié sur l'enquête ainsi que du matériel vidéo, mais a sans cesse reporté cette publication, expliquant que le rapport était encore en train d'être revu par de hauts responsables militaires et civils.

Des responsables militaires ont montré des réticences à révéler certains détails de ce rapport, invoquant le risque de compromettre la sécurité des forces américaines en Afghanistan en donnant trop d'informations sur la manière dont elles agissent, ont expliqué à l'AFP des responsable de la Défense sous couvert d'anonymat.

Le ministre américain de la Défense, Robert Gates, a affirmé jeudi au cours d'une conférence de presse qu'il soutenait la parution de ce rapport, qui devrait intervenir «dans un jour ou deux».

Il a souligné que l'incident du 4 mai était le premier au cours duquel un grand nombre de civils avaient été impliqués depuis la prise de fonction du président Barack Obama en janvier et que le département de la Défense voulait accorder aux autres ministères suffisamment de temps pour l'examiner.

L'enquête ordonnée par le général David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak et en Afghanistan, concerne les bombardements aériens du 4 mai dans la province de Farah (ouest de l'Afghanistan).

Alors que Kaboul estime le nombre de victimes civiles à 140 et la Commission afghane indépendante des droits de l'homme (AIHRC) à 97, pour la plupart des enfants, une enquête précédente de l'armée américaine en Afghanistan affirmait que 30 à 40 civils avaient perdu la vie, ainsi que 60 à 65 rebelles.

Ce rapport illustre les difficultés de l'armée américaine à améliorer son image en Afghanistan, où les rebelles cherchent à profiter d'informations sur des pertes civiles pour attiser la méfiance de la population envers les forces internationales sous commandement de l'Otan.

M. Gates a assuré que la réduction des pertes civiles était un enjeu primordial pour les forces de la coalition, et une priorité pour le général américain Stanley McChrystal, qui a pris lundi la tête des quelque 90 000 soldats des forces internationales, américaines et de l'Otan.

«Il est clair que nous devons faire davantage pour surmonter ce que je crois être l'une de nos plus grandes faiblesses stratégiques», a-t-il dit.

Le rapport appelle à revoir largement les règles de combat et d'entraînement des forces américaines afin de réduire les risques de victimes civiles, a indiqué un responsable de la défense sous couvert d'anonymat.

L'amiral Michael Mullen, chef d'état-major interarmées américain, qui se trouvait aux côtés de M. Gates jeudi lors de sa conférence de presse, a reconnu que le texte mettait en évidence des lacunes dans l'entraînement et dans la manière dont les ordres avaient été transmis.

«Il y a eu des problèmes de commandement et de contrôle, des problèmes dans la transmission des ordres, des problèmes d'entraînement que nous allons devoir résoudre», a-t-il reconnu.

L'enquête, menée par le général de brigade Raymond Thomas, s'appuyait sur une vidéo réalisée depuis un avion engagé dans les frappes aériennes et sur des enregistrements audio de conversations entre équipages et commandement au sol.

L'opération comprenait des avions de chasse F18 et un bombardier B1, qui, à un certain moment, a perdu le contact avec sa cible alors qu'il s'apprêtait à larguer une bombe de 900 kilos, selon le Pentagone.