Les partisans de Mir Hossein Moussavi ont commencé à manifester jeudi dans le centre de Téhéran, pour la quatrième journée consécutive de protestation contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, selon un témoin dans la capitale iranienne.

Des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau investi les rues de Téhéran jeudi, répondant à l'appel du chef de l'opposition Mir Hossein Moussavi et défilant vêtus de noir, à la mémoire des manifestants tués dans les affrontements qui ont suivi l'élection contestée de vendredi.Dans la foule immense emplissant la place Imam-Khomeini, qui porte le nom du fondateur du régime, de nombreux manifestants portaient des fleurs, brandissaient des photos de Moussavi et arboraient le vert, couleur de l'opposition. À la nuit tombée, ils ont allumé des bougies, ont rapporté des témoins.

Silencieux jusqu'à leur arrivée sur la place, les manifestants ont ensuite chanté «mort au dictateur» et «où sont nos votes?», slogans scandés depuis la réélection annoncée du président Mahmoud Ahmadinejad dès le premier tour.

Selon Press TV, chaîne publique en anglais destinée aux étrangers, la foule, estimée à plusieurs centaines de milliers de personnes, a écouté un bref discours de Moussavi, les appelant à manifester dans le calme.

Pour cette quatrième journée consécutive de manifestations, un défi ouvert a été lancé au Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui avait exhorté les candidats mécontents à contester le scrutin dans le cadre des instances existantes. Mais Moussavi et les siens rejettent le compromis et réclament une nouvelle élection.

Tous les regards sont donc braqués sur l'ayatollah Khamenei, qui dirigera la prière ce vendredi, ce qu'il ne fait que deux ou trois fois l'an. Habituellement, Ahmadinejad assiste à ces sermons, mais sa participation n'a pas été confirmée. Ses trois rivaux malheureux à la présidentielle ont eux annoncé qu'ils y seraient.

Le Conseil des Gardiens, plus haute instance juridique du régime, proche de Khamenei, s'est déclaré prêt à recompter une partie des bulletins, mais Moussavi l'accuse de soutenir Ahmadinejad et réclame une enquête indépendante. Selon le porte-parole du Conseil, Abbasali Khadkhodaï, un total de 646 recours émanant de trois candidats malheureux a été déposé.

D'après la radio d'État, le Conseil, cherchant à calmer le jeu, mais en vain, a invité les trois candidats contestataires à une réunion prévue samedi.

Alors que les journalistes étrangers sont toujours interdits de séjour dans les rues, le régime bloque les moyens de communication: le réseau de téléphonie mobile de Téhéran semblait ainsi tombé en panne au début de la manifestation jeudi. Et le système de SMS est bloqué quasiment en permanence depuis vendredi.

On faisait aussi état d'agressions nocturnes de partisans de Moussavi par des miliciens gouvernementaux, mais, dans l'ensemble, les manifestations restent largement pacifiques.

Lundi, des centaines de milliers de personnes avaient défilé, rappelant les foules immenses des débuts de la Révolution islamique, en 1979. Sept manifestants ont été tués ce jour-là par des milices du régime, premiers décès confirmés.

Depuis, les manifestants se sont rassemblés chaque jour, et c'est aujourd'hui le Guide suprême et son rôle qui semblent au coeur de la crise. Et la principale inconnue réside dans la position de l'ancien président Hachémi Rafsandjani. Ce dernier président l'Assemblée des Experts, rassemblement de mollahs qui a pour rôle de nommer un successeur au Guide suprême.

Khamenei a succédé directement au père de la République islamique, Ruhollah Khomeini, et l'Assemblée n'a jamais utilisé sa prérogative de renverser l'autorité suprême du système.

S'il a été l'un des principaux détracteurs d'Ahmadinejad pendant la campagne, Rafsandjani n'a jamais publiquement soutenu Moussavi, et on ne sait pas si les deux hommes se sont parlé. En revanche, la fille de Rafsandjani, Faezeh Hachémi, a pris la parole pendant un meeting de partisans de Moussavi.

Jeudi, devant les bureaux du procureur de Téhéran, un groupe d'étudiants extrémistes manifestaient contre elle et contre son frère Mahdi, les accusant de trahison, selon la radio officielle.

Pour l'instant, les manifestants dénoncent les résultats du scrutin et pas vraiment le système en lui-même. Mais au-delà des réformateurs et des jeunes, la contestation a gagné les classes moyennes, qui se sentent flouées par le résultat du scrutin et se hasardent à descendre dans les rues. Comme Reza Hosseini, 37 ans, employé municipal à Téhéran: «j'ai voté pour Moussavi avec l'espoir d'une vie meilleure, plus de liberté, la sécurité, le soulagement».

Et le mouvement de masse s'étend dans le pays: des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de la cité historique d'Ispahan (centre), dans la très conservatrice Mashhad ou encore à Shiraz.