L'opposition a continué à défier le pouvoir mercredi en Iran, avec la tenue d'une nouvelle manifestation de masse à Téhéran pour réclamer l'annulation de la présidentielle, alors que les autorités ont accentué leur pression contre le camp réformateur et les médias occidentaux.

La République islamique est confrontée à la plus importante contestation populaire en 30 ans d'existence, depuis l'annonce samedi de la réélection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Son principal rival, Mir Hossein Moussavi, soutenu par les réformateurs, crie à la fraude.

M. Moussavi a déposé avec les deux autres candidats, Mehdi Karoubi et Mohsen Rezaï, une contestation devant le Conseil des gardiens de la constitution.

Cette institution, finalement chargée par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, d'examiner les plaintes, a fait savoir qu'elle entendrait les trois protestataires samedi.

Elle doit rendre au plus tard dimanche un avis sur un nouveau décompte.

Mais, dans un communiqué, Mir Hossein Moussavi a réitéré son appel à de nouvelles élections.

«Nous souhaitons calmement protester contre la manière malsaine dont a été tenue l'élection avec comme objectif de la faire annuler pour que soit organisé un nouveau scrutin qui garantisse que cette fraude honteuse ne se reproduira pas», a-t-il dit.

Au lendemain de leur marche dans le calme mardi, plusieurs dizaines de milliers de partisans de M. Moussavi, avertis via Internet, se sont à nouveau rassemblés à Téhéran, malgré l'interdiction.

Ils ont défilé en silence entre les places Haft-é Tir et Enqelab, sans incident, ont indiqué des témoins ayant contacté l'AFP. De brèves images de cette manifestation ont été diffusées par la télévision d'Etat.

M. Moussavi a aussi appelé à une journée de deuil jeudi pour les sept civils morts lundi dans des heurts entre manifestants et miliciens islamistes.

Par ailleurs, le grand ayatollah Abdolkarim Moussavi Ardabili a demandé «aux responsables concernés» de traiter les contestations des candidats «de manière impartiale» et de parvenir à «un verdict convaincant». C'est le quatrième haut responsable religieux de ce rang à lancer un tel appel depuis samedi.

Ne lâchant pas non plus la pression, le pouvoir a de son côté multiplié les interpellations d'opposants, y compris en province où des manifestations ont eu lieu, comme à Mashhad et Tabriz.

Dans une lettre au chef de la justice, M. Moussavi et l'ancien président réformateur, Mohammad Khatami, ont demandé la libération des personnes arrêtées ces derniers jours.

Téhéran a également accusé des médias occidentaux non identifiés d'être les «porte-parole» des «émeutiers».

Le ministère des Affaires étrangères affirme que ses accusations viennent «en réaction aux commentaires d'ingérence de certains responsables et médias occidentaux».

Les journalistes étrangers ont, depuis mardi, l'interdiction de couvrir les manifestations «illégales» ou tout événement ne figurant pas «au programme» du ministère de la Culture.

Ces mesures laissent «présager un renforcement de la répression», a dénoncé l'organisation de défense des journalistes RSF.

La communauté internationale a exprimé son inquiétude sur la situation en Iran à la suite de la réélection contestée de M. Ahmadinejad (63% au 1er tour).

Si Londres a précisé que les Occidentaux ne voulaient pas «choisir le gouvernement iranien», l'Allemagne a estimé qu'il y avait eu des «irrégularités» et qu'une vérification des résultats serait justifiée.

Surtout, le ton est monté entre Téhéran et les Etats-Unis, avec l'annonce de la convocation de l'ambassadeur de Suisse, qui représente les intérêts américains en Iran, afin de dénoncer les «ingérences» américaines.

La Maison Blanche a rétorqué que le président Barack Obama continuerait de s'exprimer sur la crise.

Proche allié de Téhéran, le Venezuela a en revanche réclamé l'arrêt des «actes d'ingérence» et de la «campagne de discrédit» envers le scrutin.