Un manifestant a été tué par balles et plusieurs autres ont été blessés lundi à Téhéran lors d'un rassemblement de centaines de milliers de partisans de Mir Hossein Moussavi, candidat malheureux à la présidentielle, qui contestaient la réélection de Mahmoud Ahmadinejad.

Un photographe iranien, qui a refusé de donner son nom, a déclaré à l'AFP avoir vu le corps d'un homme tué d'une balle dans le front, devant une base de la milice islamique du bassidj, laquelle était en feu, ainsi que plusieurs personnes blessées par balles.

Selon un correspondant de l'AFP, qui a entendu plusieurs coups de feu, des affrontements ont éclaté entre des policiers et des manifestants aux abords de la place Azadi, à la fin du parcours dans le centre-ville, et des dizaines de personnes ont fui les lieux.

Des témoins ont rapporté à ce correspondant que des hommes en civil avaient tiré sur des manifestants, en blessant plusieurs.

Des manifestants ont mis le feu à des pneus et des poubelles et plusieurs motos ont été incendiées tandis que des policiers ont fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser.

Mir Hossein Moussavi, qui conteste la victoire du dirigeant ultraconservateur et juge que le scrutin était truqué, avait participé à la manifestation, interdite par le ministère de l'Intérieur, de même que le candidat réformateur Mehdi Karoubi.

Juché sur le toit d'une voiture, M. Moussavi s'est dit «prêt à participer de nouveau à une élection présidentielle», tandis que son épouse, Zahra Rahnevard, a déclaré à l'AFP qu'ils «iraient jusqu'au bout» pour contester le résultat du scrutin du 12 juin, qui a vu la victoire de Mahmoud Ahmadinejad avec près de 63% des voix.

Le guide suprême, Ali Khamenei, pour qui le résultat du scrutin s'apparente à une «vraie fête», a appelé M. Moussavi, un ancien premier ministre et un conservateur modéré, à poursuivre sa contestation par la seule voie légale.

Il se référait au dépôt par M. Moussavi d'un recours devant le Conseil des gardiens de la Constitution pour obtenir l'annulation des résultats. Le Conseil doit rencontrer M. Moussavi mardi.

En attendant, des centaines de milliers de manifestants, selon les estimations de l'AFP, ont occupé l'essentiel de l'avenue Azadi, lieu traditionnel des manifestations de commémoration de la révolution islamique de 1979.

«Au moins un million et demi de personnes» selon un policier interrogé par l'AFP, «jusqu'à deux millions», selon un autre, ont défilé aux cris de «mort au dictateur», «les Iraniens préfèrent la mort à l'humiliation» ou «Moussavi nous te soutenons».

De nombreux manifestants arboraient des bouts d'étoffe verte, la couleur de la campagne électorale du candidat malheureux, sur laquelle on pouvait lire: «Où est mon vote?».

Une jeune étudiante de 21 ans, Fahar, a espéré que la police et la milice islamique des bassidjis «se comporteront de façon civilisée» alors que les affrontements entre manifestants et forces de sécurité avaient été parfois très violents samedi et dimanche.

La télévision iranienne, qui n'a montré que pendant quelques secondes des images de la manifestation, n'a pas fait mention des affrontements, tout comme les agences de presse, revenant en revanche amplement sur le «succès» du scrutin présidentiel.

Le président Ahmadinejad a pour sa part repoussé à mardi une visite prévue lundi en Russie.

À Washington, le département d'État s'est dit «profondément préoccupé» par les violences post-électorales en Iran, indiquant «observer prudemment» les suites du scrutin.

Le président français Nicolas Sarkozy a condamné les «violences contre les manifestants», tandis que Berlin a exprimé sa «vive inquiétude».

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a souligné que la volonté du peuple devait être respectée alors que l'Union européenne a demandé à l'Iran d'enquêter sur l'élection.

Paris et Berlin ont convoqué l'ambassadeur d'Iran et le premier ministre britannique, Gordon Brown, a affirmé que l'Iran devait répondre aux «questions sérieuses» soulevées par les élections.