Soumis à d'intenses pressions internationales, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a accepté pour la première fois dimanche le principe de la création d'un «État palestinien», en échange de concessions importantes. Un «pas en avant» qu'a froidement accueilli l'autre camp.

Dans un discours des plus attendus à Tel-Aviv sur l'avenir du Proche-Orient, Nétanyahou a proposé la reprise immédiate et sans conditions préalables des négociations de paix. Il a toutefois imposé plusieurs conditions à l'existence d'un éventuel État palestinien. Ce dernier devra impérativement être démilitarisé.

«En cas d'accord de paix, le territoire sous contrôle palestinien doit être désarmé, et Israël avoir de solides garanties de sécurité», a-t-il dit. «À chacun son drapeau, à chacun son hymne. Le territoire alloué aux Palestiniens sera sans armée, sans contrôle de l'espace aérien, sans entrée d'armes, sans la possibilité de nouer des alliances avec l'Iran ou le Hezbollah» libanais, a-t-il ajouté.

Les Palestiniens devront en outre reconnaître «de façon sincère et publique qu'Israël est le pays du peuple juif».

«Si nous recevons ces garanties sur la démilitarisation et si les Palestiniens reconnaissent Israël comme l'État du peuple juif, alors nous parviendrons à une solution basée sur un État palestinien démilitarisé aux côtés d'Israël», a déclaré M. Nétanyahou.

Le président américain, Barack Obama, qui, dans le discours de réconciliation avec le monde musulman qu'il avait prononcé le 4 juin au Caire, avait pressé Israël d'endosser le principe de «deux États pour deux peuples» a estimé dimanche qu'un «important pas en avant» avait été franchi tandis. La France a quant à elle salué la «perspective tracée» par Israël, et ce, bien que M. Nétanyahou ait refusé de s'engager sur le gel de la colonisation en Cisjordanie, qui a pourtant fait l'objet de demandes répétées de la communauté internationale.

«Je ne souhaite pas faire construire de nouvelles colonies ou confisquer de terres à cette fin, a-t-il indiqué. Mais il faut permettre aux habitants des implantations de vivre normalement.» Il a ainsi exclu l'arrêt de la construction dans les colonies existantes pour répondre aux besoins de la croissance démographique naturelle.

M. Nétanyahou a aussi balayé la possibilité d'un retour des réfugiés palestiniens en Israël. Les Palestiniens considèrent que les millions de personnes et leurs descendants qui ont fui la guerre de 1948-1949 après la création de l'État Hébreu ont le droit d'exiger la restitution de leurs logement.

Quelques minutes à peine après la fin du discours, le président du comité Canada Israël, joint à Tel-Aviv par La Presse, a estimé que ce «discours majeur» permettrait enfin de faire avancer le processus de paix. «Il a lancé une invitation très claire et sincère aux Palestiniens», a déclaré Moshe Ronen.

Julien Saada, spécialiste de la question à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM, s'est montré toutefois nettement moins enthousiaste. «Le seul petit changement réside dans le fait qu'il a parlé d'un État - un mot important -, mais il a sans cesse nuancé avec ses conditions», a-t-il expliqué dimanche.

Il estime que M. Nétanyahou a sans doute préféré rester vague parce qu'il est tiraillé entre son gouvernement de coalition, plus ancré à droite, et sa volonté de préserver ses relations avec les Américains, désireux de voir débloquer le processus de paix. «Les Palestiniens seront déçus, et l'un des effets du discours pourrait être de renforcer la position du Hamas, qui affirme qu'on ne peut pas négocier avec les Israéliens.» Les conditions imposées par Benyamin Nétanyahou ont effectivement été jugées inacceptables par les principaux intéressés. L'Autorité palestinienne a aussitôt accusé M. Nétanyahou de «torpiller» les efforts de paix. «Il entrave les efforts visant à sauver le processus de paix dans un clair défi à l'administration américaine», a tranché Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président palestinien, Mahmoud Abbas.

Le Hamas, parti islamiste qui s'oppose à toute reconnaissance d'Israël, a pour sa part estimé: «Ce discours reflète l'idéologie raciste et extrémiste de Nétanyahou et fait fi de tous les droits du peuple palestinien.» «Benyamin Nétanyahou propose une conception inacceptable de l'État Palestinien. Comment pourrait-on envisager qu'il soit démilitarisé alors que, à côté de lui, Israël est la cinquième puissance militaire mondiale?

Ce discours, c'est une déclaration de guerre», a commenté de son côté Lorraine Guay, porte-parole de la Coalition pour la justice et la paix en Palestine, à Montréal.

- Avec AFP, AP, Reuters, Le Monde