Cible de multiples attentats, Peshawar, capitale du nord-ouest pakistanais, semble de plus en plus à la merci des islamistes, qui ne cessent d'étendre leur influence sur une ville paralysée par la peur et quasiment désertée par les étrangers.

Il y quelques années encore, il émanait de cette cité sur la route de l'Afghanistan, avec ses bazars, ses forts et ses anciennes mosquées pittoresques, une atmosphère romantique, pleine d'aventure et d'intrigues, qui réjouissait les touristes.Elle ne fait désormais plus l'actualité que par les enlèvements, meurtres, intimidations et incessants attentats --sept depuis un mois -- attribués aux talibans qui terrorisent les Pakistanais comme les étrangers.

«Peshawar est maintenant une ville dangereuse», estime Sharafat Ali Mubarak, le président de la chambre de commerce locale. Qui insiste: «Que cela soit bien clair: même ses habitants ne sont plus en sécurité».

Au moins neuf personnes ont été tuées mardi lorsque deux kamikazes ont fait exploser un camion bourré d'explosif dans l'enceinte du Pearl Continental, un des rares hôtels fréquentés par les étrangers et dignitaires locaux.

La facilité avec laquelle les assaillants ont déjoué l'imposant dispositif de sécurité a frappé des esprits, déjà largement échaudés en ville.

«Il règne une atmosphère de terreur. Les rebelles peuvent maintenant frapper n'importe où et n'importe quand», estime Israr Ahmad, un professeur de 38 ans.

«Partout on sent l'insécurité», dit-il. «Les gens évitent désormais d'aller sur les marchés et dans les lieux publics. Peshawar a l'air d'une zone de guerre. Les forces de sécurité ont installé des check points partout».

Le jour de l'attentat, moins de la moitié des chambres du Pearl Hotel étaient occupées, faute de touristes.

L'an dernier à Peshawar, l'ambassadeur désigné d'Afghanistan au Pakistan et un diplomate iranien ont été enlevés, et un responsable humanitaire américain abattu. Et deux employés étrangers de l'ONU ont été tués mardi au Pearl Continental. «C'est une guerre, et nous avons déjà conseillé aux étrangers d'y limiter leurs activités», explique un ministre provincial, Bashir Ahmad Bilour.

Dans une bande nord-ouest du pays ensanglantée par la rébellion talibane et les opérations militaires qui lui répondent, Peshawar fait également figure de porte d'entrée vers les zones tribales, considérées comme des bastions des talibans et d'Al-Qaeda. Une proximité qui se ressent dans la ville.

«Certains parties de la ville sont dirigées par des gens qui se proclament talibans. Et ils n'y rencontrent aucune résistance», notait jeudi le quotidien pakistanais Daily Times dans un éditorial.

S'y ajoutent les enlèvements contre rançon, devenus selon les responsables locaux une source de revenus réguliers pour les groupes rebelles locaux. Et d'autres exactions quotidiennes plus terre à terre.

Les cinémas locaux sont sur le point de fermer boutique, alors que le seul théâtre de la ville est fermé depuis des années. Des clubs de billards et magasins de CD ont été attaqués à la bombe, et les cafés Internet, prisés d'une partie de la jeunesse, sont des cibles faciles pour les rebelles.

Au marché de Karkhano, réputé pour ses innombrables marchandises trafiquées, les commerçants ont été fortement incités à retirer de leurs étalages tous les films et CD, occidentaux indiens ou locaux, remplacés par de la musique religieuse ou de la propagande talibane.

«Les talibans feront exploser mon magasin si je ne garde pas les articles jihadistes et religieux», explique le commerçant Ahmad Shah, qui préfère utiliser un faux nom par peur des extrémistes islamistes.