Le Pakistan, avec son mélange de djihadisme et de bombes nucléaires, est l'endroit le plus inquiétant sur la planète. Feu Yasser Arafat avait les mains liées et était donc incapable de faire la paix avec Israël. Ses successeurs, le Fatas et le Hamas, ont encore moins de pouvoir décisionnel.

Tel est le constat dévastateur de Madeleine Albright, secrétaire d'État sous la présidence de Bill Clinton, qui visitait hier la Conférence de Montréal. Mme Albright, qui enseigne maintenant à l'Université Georgetown, qui s'est décrite comme une «optimiste qui s'inquiète» quant à l'avenir géopolitique des points chauds de la planète. Mais ses analyses étaient souvent pessimistes.«Je pense que tous les éléments de la solution au problème (de la Palestine et d'Israël) se trouvent dans le plan élaboré à la fin de la présidence Clinton», a-t-elle affirmé en conférence de presse. «Mais le président Arafat ne pouvait pas prendre de décision. Maintenant c'est encore pire.» En d'autres mots, malgré sa popularité auprès des Palestiniens, M. Arafat ne pouvait pas s'engager à ce qu'une solution négociée soit respectée par ses compatriotes. Et maintenant qu'une guerre civile larvée entre le Hamas et le Fatas fondé par M. Arafat mine la politique palestinienne, l'absence d'interlocuteur pour Israël est encore plus criante.

Cela dit, «il existe, tant en Israël qu'en Palestine, des gens qui n'ont aucun intérêt à ce que la paix s'installe, qui profitent de l'absence de paix», a dit Mme Albright.

L'ex-secrétaire d'État a prévenu qu'il ne fallait pas s'attendre à des progrès rapides au Pakistan, un pays qui l'inquiète encore plus que l'Afghanistan. Elle se dit encouragée par les récents succès de l'armée pakistanaise contre les talibans dans la vallée de Swat, mais prédit qu'il faudra d'énormes investissements en infrastructures et en services sociaux pour sécuriser la région. Elle juge par contre qu'un «plan Marshall» pour le Pakistan n'est pas approprié, parce qu'il faut que le pays décide par lui-même de ses priorités, qui ne sont pas forcément liées au marché et à l'économie. «Le président Obama ne promet pas une démocratie jeffersonienne en Afghanistan, et c'est très bien ainsi.»

Mme Albright est revenue sur une déclaration faite en 2006, où elle avait affirmé que l'Irak serait «pire que le Vietnam» pour les États-Unis. «Je ne parlais pas en termes de morts américains ou irakiens. C'est simplement un recul de la réputation et de l'autorité morale américaines, à cause de l'imposition de la démocratie, à cause de Guantánamo, d'Abou Ghraib. Et l'Iran a beaucoup bénéficié» de la chute du régime de Saddam Hussein.

La politologue de 72 ans a entamé son discours à la Conférence avec un appel passionné à la réforme sans peur de l'économie, à la faveur de la crise. «Nous devons nous souvenir des leçons des années 30», a tonné Mme Albrigth, dont les parents juifs, diplomates tchécoslovaques, ont échappé à l'Holocauste. «Nous devons nous concentrer sur les faits, pas sur les peurs. La tentation du protectionnisme est grande. On peut penser que la concurrence à l'échelle mondiale fait autant de gagnants que de perdants (et donc qu'il vaut mieux être protectionniste). Si on cède à cette tentation, ce sera l'apocalypse économique. Le marché n'a pas de conscience sociale, mais il peut être encadré.»

G2 ou G20?

L'idée d'un «G2» composé de la Chine et des États-Unis, qui remplacerait le G8 et le G20, a de nouveau été soulevée à la Conférence de Montréal. C'est Robert Zoellick, le président américain de la Banque mondiale, qui a avancé cette idée honnie par les Européens.

L'historien à succès britannique Niall Ferguson a lancé l'idée d'un G2 «Chiméricain» cet hiver, avant la réunion du G20 sur la crise économique. Les médias chinois ont au départ approuvé l'idée que le G20 soit d'abord et avant tout une rencontre entre Barack Obama et le président chinois Hu Jintao, avant de changer leur fusil d'épaule et de renier l'idée d'un G2, selon l'hebdomadaire britannique The Economist. Hier, Madeleine Albright s'est pour sa part prononcée en faveur de l'élargissement du G20 plutôt que de sa réduction à un G2.

Ironiquement, jusqu'à tout récemment, le G2 qu'évoquaient les politologues regroupait plutôt les États-Unis et une direction centrale de l'Union européenne.