La campagne présidentielle a pris un tour polémique en Iran avec l'avertissement de l'ex-président Rafsandjani au guide suprême Ali Khamenei que des troubles pourraient survenir s'il n'intervient pas dans le conflit l'opposant au président sortant Mahmoud Ahmadinejad.

Ce dernier a accusé M. Rafsandjani et son fils Mohsen de corruption lors d'un débat télévisé contre son principal adversaire pour le scrutin du 12 juin, Mir Hossein Moussavi.M. Rafsandjani s'est vu refuser un droit de réponse par la télévision d'État, dont le directeur est nommé par le guide suprême, au motif qu'il n'est pas candidat à l'élection.

En revanche, la télévision a accordé à M. Ahmadinejad une intervention supplémentaire mercredi soir pour répondre aux «allégations» de ses adversaires dans la présidentielle.

Ces derniers ont notamment contesté les chiffres présentés par le président et tendant à prouver que la situation économique du pays s'est améliorée sous son mandat.

Dans une lettre adressée à l'ayatollah Khamenei et publiée mercredi dans les journaux, M. Rafsandjani explique avoir «dit à M. Ahmadinejad de rétracter toutes ses allégations contre (lui) et (son) fils pour éviter des poursuites judiciaires».

Il dit aussi avoir «demandé à la radio-télévision d'accorder un droit de réponse à ceux qui ont été accusés».

«Mais ces deux suggestions n'ont pas été acceptées et le guide a choisi de garder le silence», poursuit M. Rafsandjani.

L'ex-président (1989-1997) est actuellement le chef du Conseil de discernement, un organe d'arbitrage entre le Parlement et le Conseil des gardiens, équivalent à un Conseil constitutionnel.

Il a engagé le guide, en tant qu'«ami, compagnon et camarade d'armes d'hier, d'aujourd'hui et de demain», à «résoudre ce problème et à prendre toute mesure que vous jugerez nécessaire pour en finir avec cette mutinerie (d'Ahmadinejad) et éteindre l'incendie dont la fumée se dégage déjà».

Le président a accusé M. Rafsandjani d'être son véritable adversaire dans le scrutin du 12 juin, en assurant qu'il soutient les autres candidats contre sa personne.

L'appel de l'ex-président est un fait sans précédent dans une campagne présidentielle en Iran. Il l'a justifié par le besoin de calmer ses partisans et d'éviter des accès de violence.

«Supposons que je continue à être patient, alors une partie des gens, groupes et partis ne supporteront pas cette situation et des volcans, dont on voit des exemples dans les manifestations et les universités, apparaîtront dans la société», a-t-il écrit.

Les partisans de MM. Ahmadinejad et Moussavi se défient tous les soirs dans les rues de la capitale, pour l'essentiel dans une atmosphère bon enfant qui n'exclut pas quelques échauffourées.

Le guide suprême avait assuré avant la campagne électorale qu'il ne soutiendrait aucun candidat en particulier. Mais il avait aussi dressé un profil du président idéal conforme à celui que se donne M. Ahmadinejad.

Le président sortant, qui brigue un nouveau mandat de quatre ans, a mené campagne sur le thème de la lutte contre les «profiteurs» du régime, et a repris le slogan de «justice sociale» qui lui avait permis de l'emporter en 2005.

Lors des débats télévisés, il a accusé nommément des personnages du régime d'avoir bénéficié financièrement de leurs positions.

C'est la première fois qu'un responsable de premier plan mettait en cause d'autres personnalités sur ce sujet, et le genre d'intervention de M. Rafsandjani est aussi une première.