Vendredi, 46 millions d'électeurs iraniens sont appelés à choisir le président de la République islamique. Les organisateurs du scrutin prévoient une participation record, signe de l'importance que revêt cette élection à l'intérieur de l'Iran. Cependant, les enjeux sont loin de se limiter aux frontières du pays des ayatollahs.

Habituellement emplies du vacarme des voitures et des klaxons hyperactifs, les rues de la capitale iranienne sont le théâtre d'un autre genre de tintamarre ces jours-ci. Quotidiennement, des centaines de milliers de manifestants envahissent les rues de Téhéran pour faire entendre leur voix... et celle du candidat qu'ils cautionnent.

 

Une partie d'entre eux y sont pour défendre le président actuel du pays, Mahmoud Ahmadinejad, qui espère se faire réélire vendredi. En scandant «Ahmadi, bye-bye!» des centaines de milliers d'autres veulent l'en empêcher.

Selon les journalistes qui les ont abordés, ces derniers soutiennent majoritairement la candidature de Mir Hossein Moussavi, le principal candidat du camp réformiste dans cette course présidentielle qui attise les passions.

Ancien premier ministre de l'Iran, M. Moussavi veut obtenir assez de voix vendredi pour affronter à nouveau Ahmadinejad lors d'un second tour. Sa réussite ne serait pas banale: depuis l'établissement de la République islamique, les présidents iraniens n'ont jamais eu de difficulté à obtenir un second (et dernier) mandat. Mahmoud Ahmadinejad pourrait devenir l'exception à la règle.

Bonnet blanc, blanc bonnet?

Mais que changerait exactement l'élection d'un nouveau président en Iran?

À l'interne, l'économie est l'un des principaux enjeux du scrutin: le chômage dépasse les 10% et l'inflation frôle 30%.

C'est en promettant une meilleure redistribution des richesses découlant de la vente du pétrole iranien que Mahmoud Ahmadinejad a réussi à ravir la présidence, en 2005. Cette fois, il est attaqué par ses rivaux qui l'accusent de ne pas avoir rempli ses engagements, malgré le prix du pétrole qui a atteint son zénith pendant le mandat qui s'achève. M. Moussavi joue dans les platebandes du président actuel en promettant d'être encore plus généreux envers les plus démunis du pays.

Dans le dossier nucléaire, qui isole l'Iran sur la scène internationale, tous les candidats tiennent à peu près le même discours: l'Iran, puissance régionale, a le droit d'avoir un programme nucléaire et d'enrichir de l'uranium.

«Il est très, très peu probable qu'un nouveau président change de cap à ce chapitre», estime Pierre Pahlavi, expert de la politique étrangère iranienne au Collège des forces canadiennes, à Toronto. Il note d'ailleurs que le guide suprême de la révolution, l'ayatollah Khamenei, tient les rênes en matière de politique étrangère.

Les électeurs iraniens sont très conscients de la marge de manoeuvre limitée du président, toujours soumis au veto du guide suprême, mais ils n'ignorent pas que l'homme qu'ils choisissent est le visage de l'Iran à l'étranger.

C'est d'ailleurs sur l'image qu'ils projettent que les deux principaux candidats se démarquent le plus. Ultraconservateur religieusement et politiquement, Mahmoud Ahmadinejad est connu à l'international pour ses effusions contre les États-Unis et Israël, ainsi que pour son déni de l'Holocauste. Longtemps à la tête de l'Académie des arts de l'Iran, Mir Hossein Moussavi fait campagne avec sa femme à ses côtés (du jamais vu!) et promet de tenir un discours beaucoup plus modéré à l'étranger.

Ces différences sont exacerbées par les événements des derniers mois. Depuis qu'il a pris les rênes de la présidence américaine, Barack Obama a proposé à maintes reprises aux Iraniens de mettre de côté 30 ans de relations hostiles. L'Irak, l'Afghanistan, la paix au Proche-Orient et le dossier nucléaire sont quelques-uns des sujets sur lesquels le géant américain aimerait engager des négociations avec l'Iran.

«Celui qui remportera la présidence va contrôler le dialogue avec les États-Unis. Et celui qui va contrôler ce dialogue aura beaucoup de pouvoir», croit James Devine, professeur en science politique à l'Université Concordia. Les Iraniens, qui manifestent bruyamment dans les rues ces jours-ci, semblent l'avoir très bien compris.

 

IRAN

Capitale : Téhéran

Régime politique: République islamique depuis 1979

Guide de la révolution: Ali Hossein Khamenei

Président actuel : Mahmoud Ahmadinejad

Population: 66 millions

Revenu par habitant : 2700$

% de population urbaine : 67%