Le vice-président américain Joe Biden, en visite au Liban, a apporté vendredi un soutien appuyé au gouvernement pro-occidental de Fouad Siniora à deux semaines d'élections législatives que pourrait remporter la coalition dominée par le Hezbollah, considéré comme un groupe terroriste par Washington. Le Parti de Dieu crie à l'«ingérence».

Les États-Unis ont déjà prévenu que leur assistance au Liban serait réexaminée à la lumière de la composition du prochain gouvernement issu des urnes -une allusion claire à une éventuelle victoire du Hezbollah et de ses alliés. L'aide militaire américaine, dans cette hypothèse, serait la première concernée.

Officiellement, le numéro deux de l'exécutif, plus haut responsable américain à effectuer une visite officielle au Liban en un quart de siècle, a assuré que les États-Unis ne souhaitaient pas interférer dans la campagne ni peser sur le résultat du scrutin du 7 juin.

Mais le moment choisi pour cette visite est visiblement destiné à donner un coup de pouce à la majorité pro-occidentale à 16 jours d'un scrutin crucial. D'autant plus que ce voyage intervient un mois seulement après celui de la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton.

Autre indice des préférences américaines au Liban: Joe Biden a profité de sa visite à Beyrouth pour s'entretenir avec les dirigeants de la coalition pro-occidentale dans une résidence privée. Cette rencontre n'était pas ouverte aux médias, mais l'agence de presse officielle libanaise en a fait état.

Pour le Hezbollah, les États-Unis ont clairement choisi leur camp sur l'échiquier politique libanais et cherchent à influencer le vote des électeurs. Pour le mouvement chiite radical, soutenu à la fois par l'Iran et la Syrie, les deux bêtes noires de Washington dans la région, les visites successives de Mme Clinton et M. Biden suscitent une «forte suspicion et équivalent à une ingérence claire et précise dans les affaires du Liban».

Le Hezbollah a profité de la présence dans le pays de M. Biden pour faire une démonstration de force. Un vaste rassemblement a réuni des dizaines de milliers de partisans du mouvement chiite dans la ville de Nabatiyeh (sud) pour écouter un enregistrement vidéo de leur leader, Hassan Nasrallah, qui vit caché, probablement dans un quartier sud de Beyrouth, à l'occasion de l'anniversaire du départ des troupes israéliennes du Liban-Sud en 2000.

S'efforçant d'écarter les soupçons de parti pris, le vice-président américain s'est entretenu avec les trois têtes du pouvoir libanais: le président libanais Michel Sleimane, un chrétien maronite considéré comme un acteur neutre sur l'échiquier libanais, le premier ministre sunnite pro-occidental Fouad Siniora et le président chiite pro-Hezbollah du Parlement, Nabih Berri.

«Je peux vous assurer que nous sommes à vos côtés pour garantir un Liban souverain et sûr, avec de solides institutions», a déclaré M. Biden à l'issue de sa rencontre avec le chef de l'État. Et de mettre en garde les électeurs potentiels du Hezbollah et de ses alliés: «Le Liban a terriblement souffert de la guerre et nous avons à présent une réelle occasion de paix. (...) J'appelle donc tous ceux qui envisagent de se tenir aux côtés des opposants à la paix de ne pas rater cette occasion de s'écarter de ces opposants à la paix».

Sur les 128 sièges du Parlement sortant, la coalition pro-occidentale dispose d'une majorité de 70 députés, contre un total de 58 pour le Hezbollah et ses alliés, mais seulement 14 sièges pour le Parti de Dieu lui-même. Le Hezbollah dispose déjà d'un droit de veto au sein du gouvernement. Mais, à l'occasion de ce scrutin, il vise à renforcer encore son influence et à prendre le contrôle du gouvernement.

La coalition dominée par le Hezbollah a de bonnes chances de remporter les élections législatives du 7 juin, ce qui pourrait accroître l'influence de l'Iran et de la Syrie dans la région, au grand dam d'Israël, des États-Unis, mais aussi de l'Égypte et de l'Arabie saoudite.