Frais de scolarité, aides médicales, billets d'avions et même des salaires: tout est bon au Liban pour convaincre les électeurs de voter aux législatives du 7 juin, dans un pays où le clientélisme est roi.

«L'argent est un facteur très important au Liban car l'État de droit n'existe pas», affirme Charles Chartouni, professeur de sciences politiques à l'Université libanaise «Dans les pays occidentaux, de telles pratiques annuleraient l'ensemble du processus électoral», souligne-t-il.

Natacha, 35 ans, installée en Europe depuis son enfance, ne s'intéresse pas à la politique mais, depuis qu'un parti lui a offert un billet d'avion pour voter en sa faveur, elle ne tient pas en place.

«Je ne connais pas le nom du candidat mais je suis tellement excitée à l'idée de revenir au pays», dit-elle à l'AFP par téléphone.

Il y a plusieurs mois, elle et sa famille ont été contactées par un parti de la minorité parlementaire menée par le Hezbollah qui leur a renouvelé leurs passeports, payé leurs billets d'avion et même leur séjour au Liban «à condition de voter pour leur candidat».

Si les partis de tous bords nient catégoriquement toute tentative d'achat de voix, cette pratique courante à chaque période électorale au Liban reste une tradition bien ancrée dans la société.

«Il s'agit d'une tradition de longue date et je ne pense pas que la situation ait changé pour les élections de cette année», souligne le ministre de l'Information Tarek Mitri.

Beaucoup soulignent que l'argent entre à flot au Liban, grâce notamment puissances régionales qui soutiennent les deux camps rivaux.

«Des pays financent les campagnes électorales comme l'Arabie saoudite ou l'Iran», explique M. Chartouni, en référence aux deux pays qui soutiennent respectivement la majorité et la minorité.

Un diplomate occidental a affirmé à l'AFP sous couvert de l'anonymat avoir reçu des rapports de son pays faisant état du déplacement de 5 000 Libanais résidant en Australie pour participer au vote, en contrepartie d'aides financières.

Les Libanais expatriés n'ont pas le droit de voter dans leur lieu de résidence.

Pour Marc Daher, 37 ans, originaire de Jbeil (Byblos) au nord de Beyrouth, la logique est simple: «Je suis obligé de voter pour le candidat de la majorité (antisyrienne) parce qu'il a aidé ma femme à trouver du travail».

«Grâce à Dieu, nous avons Hariri!», s'exclame de son côté Boulos, 42 ans, qui vote dans la région défavorisée du Akkar, dans le nord du Liban, en référence au milliardaire Saad Hariri, l'un des leaders de la majorité.

«L'un des candidats de son mouvement nous envoie chaque mois des aides alimentaires», affirme-t-il.

Dans le sud, Jamal el Chaar, 55 ans, reçoit «un salaire de près de 700 dollars», «pour diffuser les principes» d'un parti rival du Hezbollah.

Imad, entrepreneur qui préfère ne pas donner son nom de famille par crainte de représailles, loue le Hezbollah pour avoir soutenu ses projets d'infrastructure dans un village du sud «à hauteur de 50 000 dollars».

Yara Nassar, directrice exécutive de l'Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE), une ONG autorisée par le ministère de l'Intérieur à surveiller les élections, affirme que l'achat de voix se traduit aussi par «le paiement des frais de scolarité, la distribution de médicaments et même l'organisation de campagnes sanitaires gratuites».

Tarek Nassif, enseignant de 40 ans, a pris le parti d'en rire: «un candidat a offert à mon école 2.000 litres de mazout pour le chauffage cet hiver. Il est très généreux mais... pourquoi n'y a-t-il pas pensé les années précédentes?»