En choisissant un ancien chef de guerre au passé trouble comme candidat à la vice-présidence à ses côtés, le président afghan Hamid Karzaï qui brigue un second mandat en août, tente de diviser l'opposition mais cette stratégie pourrait lui coûter des voix et le soutien occidental.

Quelques heures avant de quitter le pays lundi pour les Etats-Unis, M. Karzaï a enregistré sa candidature à la présidentielle, annonçant que Mohammad Qasim Fahim se présentait à ses côtés comme candidat à l'un des deux postes de vice-président, avec Karim Khalili, qui occupe actuellement le second.

Cette décision a provoqué la consternation dans les cercles politiques afghans et dans la communauté internationale, sur laquelle Karzaï s'est largement appuyé depuis son arrivée au pouvoir en 2002.

«Il a choisi Fahim pour diviser le parti d'opposition», le Front national, composé d'acteurs marquants du passé belliqueux de l'Afghanistan, a déclaré à l'AFP l'analyste politique Ahmad Behzad.

Considéré comme l'un des plus puissants chefs de guerre afghans, Mohammad Qasim Fahim est un des fondateurs de cette fragile coalition d'opposition qui présentera l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah au scrutin du 20 août.

Les deux hommes ont combattu pendant des années au sein de l'Alliance du Nord, contre l'armée soviétique, lors de la guerre civile, puis face aux talibans.

Après la chute des talibans en 2001, le général Fahim avait été nommé ministre de la Défense et vice-président dans la première administration Karzaï en 2002. Le chef de l'Etat, qui l'avait promu maréchal, l'a écarté du pouvoir deux ans plus tard.

M. Karzaï «pense que Fahim va lui permettre d'obtenir le soutien des moujahidines (les combattants qui ont résisté aux Soviétiques dans les années 1980, ndlr)», et d'orienter en partie le vote selon des critères communautaires, juge M. Behzad.

M. Fahim appartient à la communauté tadjike, la deuxième d'Afghanistan, tandis que Hamid Karzaï est un Pachtoune, communauté majoritaire.

Fahim a gagné ses galons sous le commandement du défunt chef de guerre tadjik Ahmed Shah Massoud, figure de la résistance anti-soviétique, mais il est aussi accusé de crimes de guerre durant cette période.

Horrifiés par sa présence sur le «ticket» Karzaï, des représentants internationaux ont affirmé lundi qu'il était impliqué dans l'activité de réseaux criminels pratiquant des enlèvements, le trafic d'armes et de drogue.

L'actuel président faisait jusque là figure de favori en dépit de la corruption minant son administration, qui gêne jusqu'à Washington, mais désormais, «la plupart des électeurs le soutenant traditionnellement sont tellement en colère qu'ils pourraient se détourner de lui au prochain scrutin», estime M. Behzad.

Même analyse chez un diplomate occidental proche de l'ONU, qui a indiqué sous couvert d'anonymat que le représentant spécial en Afghanistan du secrétaire général des Nations Unies, Kai Eide, avait tenté de dissuader Karzaï de choisir Fahim.

Cette nouvelle est «un mauvais coup porté à la démocratie» et vient saboter les tentatives d'établissement de l'Etat de droit, a réagi une parlementaire, Sabrina Saqib.

Le probable retour de Fahim aux commandes prouve que l'Afghanistan est toujours incapable de tirer un trait sur un passé dominé par les chefs de guerre, selon la députée Shukria Barakzaï.

L'élection présidentielle du 20 août, la seconde de l'histoire du pays, est un test pour l'Afghanistan, en proie à une violente insurrection menée principalement par les talibans.