L'utilisation d'obus au phosphore blanc par Israël lors de son attaque de Gaza au tournant de l'année peut être considéré comme un crime de guerre, accuse l'organisme Human Rights Watch dans un rapport publié hier. «L'armée israélienne a parfois utilisé des obus au phosphore alors qu'il n'y avait pas de troupes israéliennes qui avançaient dans les parages», explique Jean- Marie Fardeau, porte-parole de l'ONG, en entrevue depuis Paris. «Se servir du phosphore blanc pour fabriquer un écran de fumée et cacher la progression de ses troupes est la seule utilisation militaire légitime».

Et elle n'est légitime que lorsque les civils et les combattants sont situés dans des endroits bien distincts. «Si des civils sont mêlés aux combattants, même si ces derniers les utilisent comme boucliers humains, il est illégal d'utiliser le phosphore blanc», précise M. Fardeau. De toute façon, dans plusieurs des cas recensés par HRW, il n'y avait pas de combattants du Hamas à proximité. Le phosphore blanc brûle à plus de 800 degrés Celsius, et la combustion se poursuit tant que la substance est en contact avec l'oxygène de l'air. Les blessures sont «particulièrement horribles et douloureuses «, et peuvent causer «une mort lente atroce», affirme la Croix-Rouge. La fumée que dégage le phosphore est particulièrement épaisse, ce qui neutralise les combattants ne disposant pas de masque et de lunettes infrarouges permettant de voir au travers la fumée. Chaque obus projette 116 fragments dans un rayon de 125 mètres.

 

L'organisme a aussi examiné des allégations israéliennes que le Hamas a lancé un obus contenant du phosphore blanc près de la ville d'Eshkol. Mais les autorités et la population locales ignoraient tout de cet événement. À partir de numéros de série figurant sur les fragments d'obus retrouvés à Gaza, et dans une photo de Reuters d'un soldat israélien manipulant des obus près de Gaza au début janvier, le rapport déduit que les obus au phosphore blanc ont été fabriqués voilà une vingtaine d'années aux États-Unis. HRW demande aux États-Unis d'enquêter sur la possibilité que des armes américaines aient servi à des crimes de guerre, et d'interdire de telles ventes jusqu'à la conclusion de l'enquête. HRW a demandé à l'armée israélienne de commenter son usage de tels obus, et s'est fait répondre qu'il était impossible de le faire dans le délai souhaité de deux semaines, mais qu'une enquête du commandement Sud de Tsahal (l'armée israélienne) aurait lieu. Tsahal a au départ nié avoir utilisé de tels obus, puis, au milieu de janvier, l'a admis, mais a affirmé l'avoir fait légalement. Six événements en particulier sont décrits dans le rapport, qui ont fait plusieurs morts. Les enquêteurs de HRW ont trouvé les fragments de 24 obus différents, et se sont fait remettre par des démineurs palestiniens des fragments de 48 autres obus. Ils ont passé 11 jours sur place pour faire des entrevues dans la population, et ont interrogé de manière anonyme un soldat israélien qui a été ambulancier vers la fin du conflit.

Comment les enquêteurs ont-ils vérifié si les témoins palestiniens ne subissaient pas de pressions du Hamas? «Je ne crois pas, dit M. Fardeau. Durant le conflit, nous avons interviewé des gens à Gaza qui ont dénoncé le fait que des combattants du Hamas se cachaient parmi les civils. Nous avons noté que c'est un crime de guerre. D'ailleurs, le lancement d'obus sur des villes israéliennes était aussi un crime contre l'humanité.» L'armée israélienne n'a pas immédiatement commenté la publication du rapport. Mais des analystes ont noté qu'ils ont profité de la semaine où il était publié pour publiciser le fait que la prochaine Miss Israël est caporale dans Tsahal, et pour publier un rapport interne concluant que le rapport entre les décès de «terroristes « et de civils, durant l'invasion de Gaza a été exceptionnellement haut. Selon l'armée israélienne, 800 combattants et 300 civils palestiniens ont été tués.