Le conflit en Afghanistan sera «beaucoup plus dur» qu'en Irak, foi de Richard Holbrooke, émissaire américain pour l'Afghanistan et diplomate chevronné.

«Je n'ai jamais rien vu qui ressemble au désordre dont nous avons hérité (en Afghanistan)», a souligné devant la Conférence sur la sécurité de Munich celui qui fut artisan de l'accord de paix de Dayton mettant fin en 1995 à la guerre dans l'ex-Yougoslavie.

Selon M. Holbrooke, la situation en Afghanistan «met en jeu pour la première fois la sécurité intérieure des nations impliquées» dans le conflit. «Il ne s'agit plus d'une quelconque aventure expéditionnaire» mais «c'est pour de bon cette fois», a-t-il insisté sans épiloguer.

À la même conférence, Américains et Britanniques ont battu le rappel de leurs alliés pour l'emporter en Afghanistan, tandis que le président Hamid Karzaï tendait la main aux talibans.

«Ce serait une négligence de ma part si je ne lançais pas un appel aux autres pays pour qu'ils augmentent leur effort», a lancé le général David Petraeus, chef des opérations américaines en Afghanistan et en Irak. «Nous avons besoin de forces afghanes pour assurer la sécurité et il nous faut plus de soutien pour atteindre nos objectifs. La situation sécuritaire s'est détériorée au cours des deux dernières années.»

Moyens insuffisants

Outre des renforts, le général Petraeus a égrené la longue liste des moyens manquants ou insuffisants, selon lui: dispositifs de reconnaissance, police militaire, hélicoptères, instructeurs pour l'armée et la police afghane.

«Enrayer l'insécurité en Afghanistan ne sera pas simple et bon marché, ce sera une lutte difficile et longue», a-t-il prévenu, à l'unisson des propos alarmistes de Richard Holbrooke.

Le Pentagone, qui compte déjà 36 000 soldats en Afghanistan - sur les 70 000 que compte au total la force internationale sous commandement de l'OTAN et la coalition sous direction américaine-, entend en déployer jusqu'à 30 000 autres dans les 12 à 18 prochains mois.

«Des unités combattantes, c'est la plus précieuse contribution que nous puissions avoir à l'heure actuelle», a approuvé le ministre britannique de la Défense John Hutton dont le pays est le deuxième pourvoyeur de l'OTAN en Afghanistan avec 8300 soldats. Les alliés se «leurrent» s'ils «imaginent que d'autres contributions ont la même importance» que de fournir des troupes, a souligné M. Hutton.

L'appel américain et britannique se heurte cependant à de fortes réticences.

La France a répété au cours des dernières semaines qu'il n'était «pas question» qu'elle renforce les 2800 soldats présents sur le terrain. «Il faut dire que, du point de vue militaire, cette mission est suffisante, c'est la reconstruction civile qui est importante en Afghanistan», a renchéri le ministre allemand de la Défense Franz-Josef Jung.

Main tendue

Déjà en campagne pour l'élection présidentielle du 20 août, Hamid Karzaï, accusé publiquement par le secrétaire général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer de faiblesse dans la lutte contre la drogue et la corruption, a dressé un portrait flatteur de son action, après bientôt sept années de pouvoir. Mais il a surtout tendu la main, sous conditions, à l'ennemi taliban. «Nous allons lancer un appel, inviter les talibans (..) qui ne font pas partie d'Al-Qaeda et des réseaux terroristes et veulent revenir dans le pays, respecter la constitution et souhaitent la paix, à y retourner», a-t-il annoncé.