Israël a hier confirmé que le négociateur en chef du ministère de la Défense, Amos Gilad, se rendra demain au Caire pour des négociations de trêve plusieurs fois reportée par Israël. Le délai accentue la division au sein du Hamas, poussant l'Égypte à reconnaître pour la première fois officiellement que les dirigeants du Hamas, qui se trouvent en Syrie, sont moins pressés de déposer les armes que ceux qui sont à Gaza.

Selon Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke, l'offensive israélienne a renforcé l'aile «jordanienne» du Hamas.

«Depuis quelques mois, le Hamas s'est rapproché du gouvernement jordanien, dit M. Aoun. La moitié de la population jordanienne est d'origine palestinienne. C'est le pays arabe où les réfugiés palestiniens de 1948 ont été le mieux intégrés. Ce rapprochement en Jordanie, combiné aux souffrances que causent les combats à Gaza, renforce les dirigeants du Hamas qui estiment que la négociation est une meilleure solution que l'affrontement.»

 

Cette division du Hamas se constate aussi sur le terrain, selon Aaron Miller, politologue du Centre Woodrow Wilson à Washington. «Certaines factions du Hamas sont disposées à reconnaître le droit d'Israël à exister, d'autres sont plus fidèles à la charte du Hamas, dit M. Miller en entrevue téléphonique. L'attaque israélienne a désorganisé le leadership, qui ne parvient plus à contrôler tous les groupuscules. C'est ainsi qu'on a vu des tirs de mortier en provenance de bâtiments publics comme des hôpitaux ou des écoles.»

Faction

Ce n'est pas la première fois que l'existence d'une faction du Hamas disposée à reconnaître Israël est avancée. En décembre dans le Globe and Mail, un dirigeant du Hamas à Gaza, Mahmoud Zahar, a affirmé être prêt à reconnaître la frontière, mais pas Israël, une locution pour le moins alambiquée.

Fin décembre, l'écrivain français Marek Halter a affirmé que le chef politique du Hamas, Khaled Mechaal, s'est déclaré prêt à reconnaître l'existence d'Israël, au cours d'un entretien à Damas.

Un historien américain, Edward Luttwak, du Centre d'études stratégiques internationales à Washington, a avancé que le salaire versé par l'Iran aux dirigeants du Hamas attise ces divisions. Dans un essai publié dans le Wall Street Journal, M. Luttwak prétend aussi qu'Israël pourrait se considérer victorieux sur le Hamas s'il obtient une accalmie similaire à celle qui prévaut sur la frontière nord depuis la guerre de l'été 2006.

«On dit qu'Israël a perdu en 2006, mais c'est seulement vrai au niveau politique, explique M. Luttwak en entrevue téléphonique. Au niveau militaire, c'est une victoire.

«Les dirigeants du Hezbollah, qui s'opposent à la confrontation militaire avec Israël parce qu'ils privilégient un rôle politique au sein du Liban, sont sortis renforcés de l'offensive de 2006. La preuve, c'est qu'il n'y a pas eu d'attaque du Hezbollah ces dernières semaines.»

Puissance militaire

La guerre de 2006 a en effet transformé le Hezbollah en «acteur responsable», confirme Sami Aoun. «La puissance militaire du Hezbollah a quadruplé depuis, mais elle n'est plus fonctionnelle, dit M. Aoun. Le Hezbollah ne peut pas s'en servir contre Israël, comme il le faisait avant 2006, parce que ça serait trop demander à la population du sud du Liban, qui souffrirait de la riposte israélienne. Le Hezbollah parle maintenant d'Israël comme les régimes syrien, jordanien, égyptien et même iranien, qui n'attaquent pas militairement.»

Par contre, Houchang Hassan-Yari, politologue au Collège militaire de Kingston, souligne qu'il n'est pas certain que le Hamas imitera le Hezbollah et cessera ses attaques contre Israël.

 

Près d'un millier de morts

Alors que l'armée israélienne poursuivait son avance vers le centre-ville de Gaza, qui se trouvait à moins d'un kilomètre des chars d'assaut, les combats ont fait 21 morts, hier, selon les autorités médicales palestiniennes. Cela porte à près d'un millier le nombre de victimes, alors qu'une quinzaine d'Israéliens sont morts.