La tension ne cesse de monter à Gaza et fait craindre un conflit qui pourrait durer de longues semaines. L'offensive terrestre que vient d'entreprendre Israël donne lieu à bien des conjectures. Pour y voir plus clair, La Presse s'est entretenue avec deux spécialistes du Moyen-Orient: Rex Brynen, professeur de sciences politiques à l'Université McGill, et Sami Aoun, politologue à l'Université de Sherbrooke.

Q: Une semaine après le début des raids aériens visant à stopper les tirs de roquettes du Hamas dans la bande de Gaza, l'armée israélienne a entamé, hier, une offensive terrestre. Quelle ampleur cette invasion pourrait-elle prendre?

 

R: Rex Brynen La stratégie des Israéliens n'est pas encore claire, probablement pour rendre la riposte du Hamas plus compliquée à organiser. À l'heure actuelle, il y a une panoplie de possibilités. À moindre échelle, Israël pourrait décider d'envahir uniquement les zones frontalières afin de repousser les tireurs de roquettes vers l'intérieur du territoire. Cette option serait financièrement peu coûteuse et engendrerait peu de pertes civiles. À l'inverse, l'État hébreu pourrait entreprendre une opération d'envergure pour tenter de s'emparer des villes et des camps de réfugiés. Cette option apporterait davantage de gains militaires, mais elle pourrait être désastreuse du point de vue de médiatique, car les victimes civiles palestiniennes seraient plus nombreuses. De plus, la mort ne serait-ce que d'une dizaine de soldats pourrait rapidement faire basculer l'opinion publique israélienne, qui est jusqu'à présent très favorable à l'opération militaire.

Q: Une réoccupation du territoire palestinien est-elle envisageable?

R: Rex Brynen Je ne pense pas. L'opinion publique israélienne ne souhaite pas ardemment une réoccupation, car, contrairement à la Cisjordanie, il y a moins de considérations historiques et religieuses associées à Gaza. Il est bon de rappeler que beaucoup moins d'Israéliens sont morts sous les tirs de roquettes du Hamas depuis que l'État hébreu a quitté Gaza en 2005 que durant l'occupation. Malgré son peu de ressources militaires, le Hamas est tout de même bien organisé. Pour Israël, il serait très coûteux, tant financièrement qu'en pertes humaines, de reprendre le territoire.

Q: Comment le conflit pourrait-il se résoudre?

R: Sami Aoun C'est la guerre politique et médiatique qui va déterminer l'issue de la bataille. Mais pour l'instant, il y a beaucoup d'inconnues, comme la politique étrangère du président élu des États-Unis, Barack Obama, et les résultats des législatives israéliennes, prévues dans quelques semaines. Au plan diplomatique, une résolution de l'ONU similaire à celle adoptée lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah, dans le Liban Sud, en 2006, pourrait entraîner une accalmie dans la région. Un accord qui vise à pacifier la région grâce à une aide internationale des pays asiatiques et européens pourrait garantir à Israël la fin des tirs de roquettes et la fin des attaques pour le Hamas.

Q: Quel impact l'offensive terrestre aura-t-elle sur la région?

R: Sami Aoun L'issue de la bataille de Gaza sera annonciatrice de beaucoup de changements dans la donne géopolitique du Moyen-Orient. On peut s'attendre à une montée des mouvements révolutionnaires islamistes dans la région. Si Israël recule et que le front commun contre l'État hébreu perd du souffle au sein de ces mouvements, ils pourraient même se retourner contre les régimes élus dans leurs propres pays. Je pense ici à l'Égypte, au Yémen ou à l'Algérie.