Ali Daïer a combattu les soldats américains pendant des années. Mais après la décision du leader radical chiite Moqtada Sadr de réformer sa milice, l'Armée du Mahdi, il a troqué la kalachnikov pour le stylo et étudie l'histoire et la psychologie dans une mosquée de Bagdad.

«Au départ, je n'étais pas convaincu d'abandonner la lutte armée, mais après réflexion, j'ai réalisé que les armes n'étaient pas tout et que la culture générale était importante», raconte à l'AFP ce chiite de 32 ans.

«Si notre leader (Moqtada Sadr, bête noire des Américains, ndlr) nous demande d'étudier, nous devons suivre ses ordres parce qu'il nous conduit sur la bonne voie», ajoute Ali.

Comme plusieurs autres miliciens de l'Armée du Mahdi, il étudie à la mosquée Hikma, au coeur du quartier de Sadr City, le bastion des sadristes dans le nord-est de Bagdad.

Les étudiants sont assis par terre et écoutent un religieux. Ils forment tous la nouvelle garde démilitarisée voulue par Moqtada Sadr: les Moumahidoun (le préparateurs de la venue du Mahdi, le «Guide» attendu par les chiites).

Durant l'été, le leader chiite avait annoncé qu'une partie seulement de l'Armée du Mahdi continuerait à combattre l'«occupant» américain, tandis que le gros des miliciens devraient désormais jouer un rôle social dans la population.

Cette réforme pourrait à terme conduire à l'émergence d'un groupe sur le modèle du mouvement chiite libanais Hezbollah.

Créée en 2003, l'Armée du Mahdi est considérée comme la plus puissante des milices irakiennes. En 2004, de violents combats l'avaient opposée aux troupes américaines dans la ville sainte de Najaf. Les miliciens chiites avaient été défaits mais avaient établi leur réputation de combattants prêts au sacrifice.

«Les Moumahidoun sont un projet culturel qui vise à combattre la laïcité, ses armes sont le stylo et la culture», estime cheikh Farid al-Fadheli, coordinateur du programme pour la rive est de Bagdad, en majorité chiite.

«Ce programme doit protéger le mouvement de Sadr des mauvais éléments et séparer le bien du mal», assure Farik al-Fadheli.

Les Moumahidoun suivent des séminaires en littérature, histoire et religion, ainsi qu'en droit, psychologie et sur l'utilisation d'internet.

Ils suivent quatre sessions de six mois.

«Trois cents étudiants, sur 6.000 candidats, ont été acceptés et ont été répartis dans trois mosquées», précise le cheikh sadriste.

Pour être acceptés, les miliciens ont répondu à un questionnaire de 150 questions, en plus de recommandations de religieux et d'un chef de tribu.

«Le plus important est leur engagement à ne pas prendre les armes et à ne pas intervenir en politique», selon M. Fadheli.

Au terme de leur formation, les Moumahidoun se voient remettre leur uniforme: un pantalon noir et une chemise blanche.

Pour ce programme, le mouvement de Moqtada Sadr a recruté des enseignants, sortis de l'école religieuse chiite de Najaf, et des professeurs d'université payés 125 dollars par mois.

«Il y a beaucoup d'illettrés et la culture laïque de l'Occident se répand dans les pays arabes», déplore Adi Abou Hassan, un futur Moumahid.

«J'ai choisi de prendre les armes de la culture parce qu'une marche de mille kilomètres commence toujours par un premier pas», ajoute-t-il pompeusement.

Certains sadristes regrettent toutefois d'avoir déposé les armes et pense que leur mission première est de combattre les soldats américains.

«Nous soutenons l'exigence de Moqtada Sadr d'un retrait immédiat des occupants, donc nous soutenons la continuation de la résistance», déclare un chef de l'Armée du Mahdi sous couvert de l'anonymat.

Ce responsable sadriste craint également que le questionnaire pour recruter les futurs Moumahidoun ne tombe entre les mains des Américains à la faveur de fouilles.