En 2005, la Syrie était un État paria au même titre que l'Iran. Les temps changent. Le président syrien Bachar Al-Assad fait les yeux doux à l'Ouest depuis quelque temps. Sa campagne de charme porte ses fruits: les dirigeants occidentaux ne font plus la sourde oreille. Une bonne nouvelle pour les droits des Syriens, sous une chape de plomb depuis 1963? Dans un pays où la liberté d'expression est toujours violemment réprimée, rien n'est moins sûr.

Mohammad Abdallah n'a pas vu sa famille depuis février 2007. L'ex-détenu de 26 ans vit exilé au Liban, pays voisin de la Syrie.

 

Son père, Ali Abdallah, a été condamné à deux ans et demi de détention le mois dernier pour avoir formé un groupe pro-démocratique. Son frère, Omar Abdallah, a été mis sous les verrous pour avoir critiqué le président Bachar Al-Assad dans un blogue.

En juillet dernier, une émeute a été violemment réprimée dans la prison de Sednaya, où il est détenu. «La prison est interdite au public depuis. Je ne sais pas si mon frère est toujours vivant», explique le militant des droits de l'homme.

Malgré ces abus, le régime de Bachar Al-Assad retrouve grâce aux yeux de l'Ouest. Mine de rien, le président syrien s'extirpe de l'«axe du mal» dans lequel George Bush l'avait confiné en 2002.

Nicolas Sarkozy l'a invité à Paris le 14 juillet dernier. Assad lui a rendu la pareille en septembre. «Voilà comment se construit la relation nouvelle entre la Syrie et la France: essayer de se comprendre, ne pas transiger sur les principes et rétablir la confiance», avait déclaré le président français.

Le ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, David Miliband, a été lui aussi son hôte il y a quelques semaines. Les services secrets des deux pays collaboreraient à nouveau pour lutter contre le terrorisme.

Un rôle clé

Il faut dire que la Syrie multiplie les courbettes devant l'Ouest. Dans le dossier du Liban, Bachar Al-Assad a annoncé l'ouverture prochaine d'une ambassade à Beyrouth. Ce geste aurait été impensable en 2005, lorsque les forces syriennes ont été chassées du Liban à la suite de l'assassinat de Rafic Hariri, l'ancien premier ministre libanais.

Aussi, les nombreux coups de filet dans les groupes islamistes ne sont pas pour déplaire aux Américains. Le raid américain qui a fait huit morts dans un village syrien en octobre dernier a été vivement condamné par Damas et la communauté internationale. Toutefois, l'élection de Barack Obama change la donne. Le futur président américain ne cache pas sa volonté de parler avec la Syrie.

«Les Américains ne peuvent plus faire fi de l'influence de la Syrie dans la région, expliquait l'Américain George Ajjan, un républicain d'origine syrienne, de passage à Damas en octobre. Ils devraient la rayer de la liste des États voyous l'année prochaine.»

L'amitié entre la Syrie et l'Iran est un atout indéniable pour l'Occident. Damas pourrait jouer un rôle clé dans le règlement du dossier nucléaire iranien, toujours dans l'impasse.

Ses pourparlers indirects avec Israël sur plusieurs questions, dont son désir de récupérer le plateau de Golan, marquent aussi un tournant pour le régime traditionnellement antisioniste.

Mohammad Abdallah compte sur la fin de l'isolement de la Syrie pour se faire entendre. «Les puissances de l'Ouest doivent imposer des conditions à leur engagement. Le respect des droits de la personne, ce n'est pas juste pour les Occidentaux», dit-il.