Le parti ultra-orthodoxe israélien Shass a annoncé vendredi son refus des conditions posées par Tzipi Livni pour participer au gouvernement qu'elle tente de constituer, mettant en question la formation d'un cabinet de coalition.

Sans le Shass, Mme Livni se retrouve dans une position extrêmement difficile pour former un gouvernement viable.

Chef du parti Kadima au pouvoir en Israël, Mme Livni a fixé jeudi un ultimatum à ses alliés potentiels en se donnant jusqu'à dimanche pour former un gouvernement de coalition, faute de quoi le pays se dirigerait vers des élections anticipées début 2009.

Le Shass considère ne pas avoir obtenu satisfaction sur ses deux principales revendications pour entrer dans un gouvernement Livni : le montant réclamé d'une augmentation des allocations familiales et une garantie que la question de Jérusalem-est, annexée par Israël, ne sera pas négociée avec les Palestiniens.

«Tout au long des négociations, nous avons insisté sur deux points : une aide substantielle aux populations les plus défavorisées et la défense de Jérusalem», souligne un communiqué du Shass, troisième parti d'Israël avec 12 députés sur 120 au Parlement.

«Si le statut de Jérusalem n'est pas renforcé, et qu'on donne l'impression que la capitale d'Israël peut faire l'objet d'un marchandage, cela peut avoir des répercussions sur toutes les négociations futures», met en garde le parti, qui détient quatre portefeuilles dans le gouvernement sortant d'Ehud Olmert.

Dans ces conditions, fait valoir le Shass, «nous ne pouvons participer au gouvernement de Mme Livni».

«En théorie, Livni peut former un gouvernement minoritaire avec moins de 60 députés sur les 120 de la Knesset. Mais en pratique, cela lui sera très difficile» estime le politologue Gidéon Doron.

«En ce cas il lui faudrait compter sur les voix de députés arabes, ce à quoi s'oppose une partie même du Kadima», souligne ce professeur en sciences politiques de l'univeristé de Tel Aviv.

Selon lui, toutefois, l'annonce du Shass «n'est pas forcément le dernier mot», la formulation choisie ne fermant pas totalement la porte à la négociation.

«Ce parti est partagé entre le désir de rester au pouvoir et les sympathies de sa base pour la droite dirigée par Benjamin Netanyahu,» souligne cet analyste.

Selon lui, le chef spirituel du Shass, Ovadia Yossef (87 ans), veut prouver à son électorat populaire que «le parti défend ses intérêts» sans prêter le flanc aux attaques de la droite.

L'opposition de droite en Israël, qui selon les sondages a le vent en poupe, a redoublé d'efforts depuis plusieurs jours pour empêcher un accord entre Mme Livni et le Shass.

Jeudi, M. Netanyahu a ainsi accusé Mme Livni de «vouloir diviser Jérusalem» en s'apprêtant, selon lui, à renoncer à des quartiers arabes de Jérusalem-est annexée par Israël après sa conquête en juin 1967, alors que le Shass exige d'écarter la question de Jérusalem des négociations avec les Palestiniens.

En revanche, un éditorialiste du quotidien à grand tirage Yediot Aharonot estime vendredi que si «Livni a été forcée d'avaler toutes sortes de couleuvres et d'encaisser des coups en série, elle demeure la politicienne la plus sérieuse, la plus dévouée et la plus sincère».

Le Shass réclame une rallonge de 400 millions de dollars pour financer une augmentation des allocations familiales, qui avaient été réduites de façon draconienne sous des précédents gouvernement de droite.

Mme Livni a succédé à la tête du Kadima au premier ministre Ehud Olmert, qui a démissionné en septembre après avoir été mis en cause dans des affaires de corruption.

Le Shass, parti ultra-orthodoxe sépharade (juifs orientaux), a été créé en 1984, prônant un retour à la religion et nourri du ressentiment envers un establishment dominé par des ashkénazes (juifs originaires d'Europe).