Dans un geste de paix, l'étoile montante des chiites irakiens Ammar Al-Akim a tendu la main à la communauté sunnite lors d'une tournée dans la province de Salaheddine, au nord de Bagdad, à quelques semaines d'importantes élections provinciales.

Agé de 37 ans, le fils aîné d'Abdel Aziz al-Hakim est considéré comme l'héritier naturel de son père, atteint d'un cancer, à la tête du puissant parti du Conseil suprême islamique en Irak (CSII, chiite), qui détient 30 sièges de députés au Parlement.

Ce samedi, sa tournée l'emmenait, sous haute protection, dans les villes sunnites de Samarra et Tikrit --fief du dictateur déchu Saddam Hussein-- ainsi qu'à Balad, une enclave chiite théâtre de violents combats contre sa voisine sunnite de Dholoiyah.

Devant la mosquée chiite Askari de Samarra, détruite le 22 février 2006 par les partisans d'Al-Qaïda, il souligne notamment le besoin de rapprocher les communautés religieuses dans un pays où la méfiance reste grande entre sunnites, chiites, kurdes, turcomans et chrétiens.

«Nous sommes ici pour renouveler la promesse que nous continuerons à rebâtir un Irak unifié», affirme d'une voix posée Ammar al-Hakim aux représentants du gouvernement local sunnite et aux chefs tribaux qui l'entourent.

Le mausolée de la mosquée --vieille de plus de mille ans-- abrite les restes des imams Ali al-Hadi et Hassan al-Askari. Son célèbre dôme en or avait été détruit par des attentats à la bombe en 2006, puis de nouveau attaqué en juin 2007. Elle est désormais reconstruite grâce aux subventions de l'Unesco.

La destruction de la mosquée, qui n'avait pas fait de victimes, a été le point de départ d'une vague de violences confessionnelles qui a fait plusieurs milliers de morts en Irak.

Le CSII, à travers son ancienne milice Badr, a été accusé d'être l'un des acteurs des violences contre les sunnites. Il a été également engagé dans une violente rivalité avec la milice du leader radical chiite Moqtada Sadr, l'Armée du Mahdi, pour le contrôle des zones chiites.

Toutefois, les chefs locaux à Samarra et Tikrit ont réservé un accueil chaleureux au dirigeant du CSII et saluent son appel à la réconciliation nationale.

Ce descendant reconnu du Prophète, à la barbe bien taillée et au visage chaussé de lunettes fines, s'exprime avec finesse et semble réussir son opération séduction.

«La visite d'Ammar al-Hakim signifie beaucoup pour nous, particulièrement après la destruction de la mosquée qui nous a mis dans une position difficile», explique cheikh Talal Albu-Aswad, chef de la tribu des Al-Sada Albu-Aswad de Samarra.

«Maintenant, les choses vont mieux grâce aux efforts des Sahwa (Réveils), des tribus, des responsables religieux et de la population», ajoute-t-il.

Les Sahwa, des comités d'ex-insurgés sunnites reconvertis dans la lutte contre Al-Qaïda à partir de 2007 et payés par l'armée américaine, ont permis une baisse générale de la violence dans le pays. Mais les miliciens, qui doivent passer sous le contrôle du gouvernement, craignent d'être exclus du nouvel Irak dominé par les chiites.

«Nous réclamons plus de soutien pour les Sahwa et les autres milices, afin qu'ils soient intégrés au gouvernement», dit cheikh Khamis Naji Jbara, membre sunnite du conseil de la province de Salaheddine.

La question est sensible après l'adoption le mois dernier d'une loi électorale qui doit mener à des élections provinciales d'ici janvier et renforce l'importance de la tournée du dirigeant chiite. Cette loi permet à des groupes jusqu'ici exclus du processus électoral, comme les tribus sunnites et les chiites pauvres, de participer au suffrage.

«La loi a été adoptée avec l'accord de tous. Désignez ceux qui à votre sens méritent de l'être pour vous fournir de meilleurs services: c'est mon appel à toutes les provinces», assure le jeune responsable politique à des cheikhs réunis à Tikrit.