Qualifiée de «terroriste» par les autorités syriennes, l'attaque qui a fait 17 morts samedi à Damas suscite des interrogations quant aux commanditaires de cette opération, certains analystes y voyant un message d'Israël ou des forces sunnites extrémistes de la région.

Aucune revendication n'a été jusqu'à présent formulée et les autorités syriennes observaient un mutisme --habituel dans ces affaires-- propre à favoriser toutes les hypothèses chez les commentateurs.

«La liste de ceux qui refusent que la Syrie vive en sécurité et en paix est longue», écrit dimanche le quotidien syrien al-Watan, proche du pouvoir. «Elle commence par Israël, passe par les services de renseignement et des milices déployées dans les pays (voisins) et se termine par les groupes (islamistes) qui interprètent mal la religion.»

Pour l'analyste Riyad Kahwaji, basé à Dubaï, «aucune partie ne peut être exemptée de soupçons en raison des intérêts régionaux conflictuels mais surtout à cause de la position régionale contradictoire de la Syrie.»

«Alliée de l'Iran, elle mène cependant parallèlement des négociations indirectes de paix avec Israël conditionnées, selon l'État hébreu, à une prise de distances avec Téhéran», a-t-il expliqué à l'AFP.

«Damas tente par conséquent de rassurer Téhéran, par tous les moyens, que cette paix ne se fera pas sur le compte de leur alliance.»

L'attentat pourrait donc être, selon lui, «un message à la Syrie» pour qu'elle abandonne son alliance avec l'Iran.

«Les groupes sunnites fondamentalistes n'apprécient pas non plus l'alliance Damas-Téhéran et voient d'un mauvais oeil les tentatives présumées de convertir des sunnites syriens au chiisme», indique M. Kahwaji.

M. Kahwaji a noté par ailleurs que l'explosion en elle-même posait des questions.

«Transporter 200 kilos d'explosifs n'est pas simple dans un pays comme la Syrie», tenu d'une poigne de fer par les services de sécurité, explique-t-il.  «Cela pourrait indiquer l'existence de conflits au sein des services de sécurité.»

Il s'agit du troisième attentat cette année à Damas, après celui qui a tué en août le général Mohamed Sleimane, responsable de la sécurité du Centre d'études et de recherches scientifiques syrien, et celui qui a entraîné la mort en février d'Imad Moughnieh, un dirigeant du Hezbollah chiite libanais.

En juillet, les autorités ont réprimé des troubles dans la prison de Saydnaya, l'une des plus grandes de Syrie, accusant des «condamnés pour des crimes de terrorisme et d'extrémisme» d'être à l'origine des violences qui, selon une ONG, ont fait 25 morts.

L'analyste politique Fawaz Najia, également basé à Dubaï, a pour sa part lié l'attentat à «la tension croissante entre sunnites et chiites».

«Un récent rapport d'un centre de recherches syrien basé à Londres affirme que l'Iran déverse des millions de dollars en Syrie pour convertir des sunnites au chiisme», dit-il à l'AFP.

Il rappelle aussi que le président syrien Bachar al-Assad a récemment exprimé ses craintes des répercussions sur la Syrie de la tension entre chiites et sunnites à Tripoli, dans le nord du Liban.

Le 22 septembre, les autorités libanaises avaient annoncé que Damas avait dépêché en renfort 10 000 soldats sur leur frontière commune en évoquant des «mesures de sécurité internes».

Pour le politologue syrien Razzouk Ghawi, il n'y a rien de communautaire dans l'attentat de samedi, qui est selon lui un acte «politique», une réponse au réchauffement des relations entre Damas et des capitales occidentales.

«Les derniers développements positifs dans les relations syriennes, notamment avec la France, renforcent la position internationale de Damas et ceci déplaît à Israël», estime M. Ghawi.

Le quotidien officiel syrien As-Saoura n'a de son côté aucun doute: les actes de «terrorisme perpétrés ces derniers mois ont été planifiés à l'extérieur. La Syrie est un pays sûr, mais la région pullule de terroristes.»