Les deux hommes accusés par Londres d'avoir empoisonné l'ex-espion Sergueï Skripal et sa fille en Angleterre ont assuré jeudi être innocents et n'avoir visité Salisbury qu'en touristes, des propos qualifiés d'«insulte à l'intelligence» par le gouvernement britannique.

Les États-Unis ont confirmé pour leur part jeudi préparer un deuxième train de sanctions économiques «très sévères» contre la Russie après l'attaque à l'agent chimique Novitchok au Royaume-Uni, qui avait touché Sergueï Skripal et sa fille Ioulia.

L'administration de Donald Trump avait déjà imposé une première série de sanctions en août après être parvenue à la conclusion que les autorités russes étaient derrière cette affaire. Washington avait alors donné 90 jours à la Russie, jusqu'à fin novembre, pour déclarer qu'elle n'utilise plus d'armes chimiques ou biologiques.

Au lendemain des déclarations de Vladimir Poutine qui assurait que les deux hommes, accusés par Londres d'être des agents des services de renseignement militaire russes (GRU), étaient des «civils» et n'avaient rien fait de «criminel», Rouslan Bochirov et Alexandre Petrov ont accordé une entrevue à la chaîne de télévision publique russe RT.

Les deux hommes, qui ressemblent aux photos des deux suspects diffusées par le Royaume-Uni, ont confirmé leurs patronymes et le fait qu'ils avaient visité, le jour de l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille, la ville de Salisbury, dans le sud-ouest de l'Angleterre, où vivait l'ex-agent double.

«Nous sommes ceux qui ont été montrés sur les photos : Rouslan Bochirov et Alexandre Petrov», commencent-ils, ajoutant qu'il s'agit de leurs vrais noms, ce dont doutent les autorités britanniques. Mais ils affirment que leur présence à Salisbury, les 3 et 4 mars, relevait de la simple visite touristique.

«Nos amis nous avaient suggéré depuis longtemps de visiter cette ville fabuleuse», poursuivent-ils, et Rouslan Bachirov de préciser qu'ils voulaient découvrir «la célèbre cathédrale de Salisbury».



«Profondément offensants»


Le gouvernement britannique a vivement réagi à la diffusion de cet entretien, y voyant une marque de «mépris» de la part de Moscou.

«Les mensonges et les inventions flagrantes proférés dans cet entretien avec une télévision d'État russe sont une insulte à l'intelligence du public», a déclaré un porte-parole de Downing Street au cours d'un point presse.

«La police a clairement énoncé les preuves contre ces deux hommes», a-t-il ajouté. «Une arme chimique illégale a été utilisée dans les rues de notre pays. Quatre personnes ont été gravement malades, une femme innocente est morte. La Russie répond avec mépris».

«La Russie se tourne en ridicule», a déclaré le secrétaire d'État aux Affaires étrangères Alan Duncan. «Si ces deux suspects sont prêts à répondre à des questions à la télévision russe, qu'ils viennent ici répondre à des questions approfondies sur ce que nous savons qu'ils ont fait».

Selon la version des autorités britanniques, les deux hommes sont des agents du renseignement militaire russe, le GRU. Ils sont d'abord allés en repérage à Salisbury le 3 mars, avant d'y retourner le 4, jour où ils ont contaminé la porte d'entrée du domicile de Sergueï Skripal au Novitchok, un agent innervant d'origine soviétique.

Rouslan Bochirov et Alexandre Petrov, quant à eux, nient avoir tenté de tuer Sergueï Skripal. Ils expliquent avoir rapidement quitté Salisbury le 3 mars à cause du mauvais temps et de la neige qui tombait ce jour-là et y être repassés le lendemain.

«Petits entrepreneurs» 

Quand Margarita Simonian, la rédactrice en chef de RT, leur demande s'ils sont des agents du GRU, les deux hommes répondent énergiquement par la négative, Rouslan Bochirov assurant qu'ils sont de «petits entrepreneurs».

Ils se sont aussi défendus d'avoir transporté du Novitchok. Selon les services de sécurité britanniques, les agents du GRU ont transporté le poison dans un flacon de parfum pour femme mais cette version «est du délire», s'emporte Alexandre Petrov.

«Qu'un homme normal emporte avec lui du parfum pour femme, ce n'est pas étrange?», renchérit Rouslan Bochirov, ajoutant que les douanes britanniques ont «regardé toutes les affaires» et que ce détail aurait fait tiquer «n'importe quel policier».

Depuis le début, le Royaume-Uni accuse Moscou d'être à l'origine de l'attaque, qui a engendré une grave crise diplomatique entre le Kremlin d'une part, et Londres et ses alliés occidentaux de l'autre. Le 5 septembre, les autorités britanniques ont annoncé avoir émis un mandat d'arrêt européen contre Rouslan Bochirov et Alexandre Petrov.

Hospitalisés pendant plusieurs semaines, les Skripal ont survécu à l'empoisonnement, ainsi que le policier contaminé en leur portant secours.

AFP

Rouslan Bochirov et Alexandre Petrov ont accordé une entrevue à la chaîne RT.