Près d'un million d'indépendantistes catalans se sont massés mardi sur une artère de Barcelone pour la « Diada », la « fête nationale » catalane, démontrant une capacité de mobilisation intacte après l'échec de leur tentative de sécession de l'Espagne et alors que neuf de leurs dirigeants sont en prison.

À 17 h 14 (11 h 14, HE) précises, en commémoration de la prise de Barcelone le 11 septembre 1714 par les troupes du roi Felipe V qui supprima l'autonomie de la région, les manifestants ont levé une marée de drapeaux séparatistes et clamé « indépendance ! » sur six kilomètres de l'avenue Diagonal.

Une mise en scène, savamment orchestrée par les influentes associations indépendantistes, consistait à faire tomber un mur symbolisant les obstacles surmontés dans la marche vers un État souverain.

La police municipale de Barcelone a annoncé avoir compté « environ un million » de manifestants, le même nombre que l'année dernière.

« Nous entamons une marche sans fin », a lancé le président indépendantiste de cette région du nord-est de l'Espagne, Quim Torra, après la manifestation.

« Nous réclamons notre droit à être une nation, de manière démocratique et pacifique », a déclaré à l'AFP un des manifestants, Roger Pujol, producteur d'huile d'olive de 37 ans, réclamant « que la république devienne effective ».

La revendication de l'abandon des poursuites contre les dirigeants séparatistes, incarcérés ou ayant fui à l'étranger, pour leur rôle dans la tentative de sécession était au centre de la manifestation convoquée sous le slogan « faisons la république catalane ».

Treize leaders catalans, dont l'ancien président régional Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique, sont accusés de rébellion, ce qui peut leur valoir jusqu'à 25 ans de prison.

Divisions

Le camp indépendantiste a prouvé lors de cette « Diada » qu'il reste puissant, près d'un an après le référendum illégal d'autodétermination du 1er octobre 2017 et la vaine déclaration d'indépendance du 27 octobre qui avait entraîné la mise sous tutelle de la Catalogne par Madrid.

La « Diada » est utilisée depuis 2012 par les séparatistes pour réclamer l'indépendance de la riche région où la question divise fortement.

Selon un dernier sondage publié en juillet par un institut dépendant du gouvernement régional, 46,7 % des Catalans sont favorables à l'indépendance et 44,9 % opposés.

« Aujourd'hui, nous les Catalans devrions célébrer notre fête nationale et pas seulement un appel à l'indépendance qui est partagé par moins de la moitié de la population », a regretté depuis Strasbourg, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Borrell, lui-même catalan.

Les indépendantistes, qui contrôlent le Parlement catalan, ont remporté les élections de décembre avec 47,5 % des voix. Mais des divisions subsistent dans leur camp entre les plus modérés de la Gauche républicaine (ERC), qui veulent abandonner la voie unilatérale, et les plus radicaux.

« Si un indépendantiste est assez ingénu ou stupide pour croire qu'il peut imposer l'indépendance à 50 % des Catalans qui ne le sont pas (indépendantistes), il est évident qu'il se trompe », a souligné la semaine dernière l'indépendantiste de gauche Joan Tarda, député d'ERC.

Autonomie contre autodétermination

Même si son discours radical s'est pour l'instant limité à des effets de manches, Quim Torra-choisi par Carles Puigdemont qui continue à tirer les ficelles de la politique catalane depuis la Belgique maintient la « même détermination », a-t-il dit.

« Notre gouvernement s'est engagé à rendre la République effective », a-t-il déclaré lundi.

Torra exige du gouvernement central l'organisation d'un référendum d'autodétermination et assure que si Madrid continue à refuser, il ne renoncera à « aucune voie » pour mener la Catalogne à l'indépendance.

Mais tout acte unilatéral obligerait presque certainement Madrid à reprendre le contrôle de la région comme l'a fait en octobre le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy.

Son successeur, le socialiste Pedro Sanchez, au pouvoir depuis le 1er juin notamment grâce aux voix des indépendantistes, a, lui, repris le dialogue et proposé la tenue d'un référendum sur plus d'autonomie pour la région. Une offre rejetée par Quim Torra.

« Un des principaux problèmes de la Catalogne est la coexistence, pas l'indépendance. Il faut encourager à l'ouverture d'un dialogue entre les Catalans », a souligné Sanchez mardi.

Mais « aucun dialogue n'est crédible si ceux qui doivent négocier (les leaders séparatistes, NDLR) sont maintenus en prison », a répliqué le président indépendantiste du parlement catalan, Roger Torrent.