La Russie a dénoncé mercredi une «manipulation de l'information» après l'annonce par la police britannique du lancement dans le cadre de l'affaire Skripal de mandats d'arrêt contre deux citoyens russes, que Moscou affirme ne pas connaître.

«Nous appelons une nouvelle fois les Britanniques à cesser les accusations publiques et la manipulation de l'information», a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, citée par l'agence de presse publique TASS.

«Les noms et les photographies qui ont été publiés dans les médias ne nous disent rien», a-t-elle ajouté, appelant Londres à «coopérer» avec la Russie pour l'enquête sur l'empoisonnement des Skripal.

La police britannique a annoncé mercredi avoir lancé des mandats d'arrêt contre deux ressortissants russes, soupçonnés d'être liés à l'empoisonnement au Novitchok le 4 mars à Salisbury en Angleterre de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia.

Ces deux hommes, identifiés comme Alexander Petrov et Ruslan Bochirov, pourraient cependant avoir voyagé «sous des noms d'emprunt», selon le chef de l'antiterrorisme britannique, Neil Basu, qui a lancé un appel au public pour les identifier.

Trois chefs d'accusation ont été retenus par le Parquet britannique contre les deux Russes: conspiration en vue de commettre un meurtre, tentative de meurtre contre les Skripal et un policier britannique qui avait été contaminé après leur avoir porté secours en mars à Salisbury et usage et possession de Novitchok, un puissant agent innervant.

Londres accuse Moscou d'être responsable de l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille. La Russie a toujours nié toute implication et dénonce une «provocation».

L'affaire a engendré une grave crise diplomatique entre Moscou et les Occidentaux et abouti à une vague d'expulsions réciproques de diplomates ainsi qu'à de nouvelles sanctions adoptées contre la Russie.

Retour sur les principales étapes de l'affaire

L'attaque à Salisbury

Le 4 mars, l'ex-agent double russe Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille Ioulia, 33 ans, sont retrouvés inconscients sur un banc à Salisbury (sud de l'Angleterre). Ils sont hospitalisés dans un état grave, de même qu'un policier, intoxiqué en leur portant secours.

Sergueï Skripal, ancien colonel du service de renseignement de l'armée russe, avait été condamné en 2006 pour «haute trahison», accusé d'avoir vendu des informations aux Britanniques. Il avait bénéficié en 2010 d'un échange d'espions organisé entre Moscou, Londres et Washington, et s'était installé en Angleterre.

Le 7 mars, la police révèle que les Skripal ont été empoisonnés par un agent innervant, hautement toxique, l'agent neuroparalytique de la famille «Novitchok» issu d'un programme chimique soviétique.

Londres accuse, Moscou s'indigne

Le 12 mars, la première ministre britannique Theresa May met en cause Moscou, estimant qu'il s'agit de «la seule explication plausible». Moscou rejette ces accusations, qualifiées de «provocation».

Le 14, Londres annonce en représailles une série de sanctions, dont l'expulsion de 23 diplomates russes et le gel des contacts bilatéraux.

Le 15, Londres, Paris, Berlin et Washington mettent en cause Moscou dans une déclaration commune.

Le 16, Londres juge «extrêmement probable» que le président russe ait personnellement «ordonné» l'empoisonnement.

Riposte russe

Le 17, à la veille de l'élection présidentielle russe, Moscou annonce l'expulsion de 23 diplomates britanniques et ordonne la fermeture du British Council et du consulat britannique de Saint-Pétersbourg.

Réélu, Vladimir Poutine qualifie les accusations de «grand n'importe quoi». Le Royaume-Uni devra «fournir des preuves» de l'implication de Moscou ou s'excuser, ajoute le Kremlin.

Moscou, qui dénonce une campagne antirusse, affirme le 21 que l'empoisonnement de M. Skripal est soit «une attaque terroriste», soit une mise en scène de Londres.

Le 22 mars, le policier contaminé, Nick Bailey, quitte l'hôpital.

Expulsions croisées

Les 26 et 27 mars, 18 pays de l'Union européenne, les États-Unis,ainsi que l'Ukraine, le Canada la Norvège ou l'Australie annoncent les expulsions de 122 diplomates russes, dont 60 «espions» aux États-Unis. Sept membres de la mission russe au siège de l'OTAN à Bruxelles se voient retirer leurs accréditations.

Les 29 et 30, Moscou riposte: au moins 121 diplomates en poste en Russie sont expulsés dont 60 pour les États-Unis qui doivent également fermer leur consulat à Saint-Pétersbourg.

Pas de preuve

Le 3 avril, le laboratoire militaire britannique de Porton Down reconnaît ne pas avoir de preuve que la substance utilisée provienne de Russie. Le Kremlin somme Londres de lui «présenter des excuses».

Le 10, Ioulia Skripal quitte l'hôpital de Salisbury. Son père restera hospitalisé jusqu'au 18 mai.

Le 12, l'OIAC, sans toutefois établir de responsabilités, confirme l'analyse britannique sur l'identité du poison utilisé, précisant que la substance chimique était d'une «grande pureté».

Nouvelles contaminations

Le 4 juillet, la police annonce que deux Britanniques retrouvés le 30 juin dans un état critique à Amesbury, près de Salisbury, ont été exposés au Novitchok. Il n'y a «aucune preuve» suggérant que l'homme et la femme, Charlie Rowley et Dawn Sturgess, «étaient visés d'une quelconque manière».

«C'est le même agent innervant. Ce sera aux scientifiques de déterminer s'il vient du même lot», précise la police. La police antiterroriste est saisie de l'enquête comme dans le cas Skripal.

Dawn Sturgess, 44 ans, décède le dimanche 8 au soir. Charlie Rowley, 45 ans, quitte l'hôpital le 20 juillet avant d'y être réadmis fin août pour des problèmes de vision.

La première ministre Theresa May se dit «horrifiée et choquée». La police britannique ouvre une enquête pour meurtre.

Mandat d'arrêt européen

Le 5 septembre, la police antiterroriste britannique annonce avoir lancé un mandat d'arrêt européen contre les Russes Ruslan Boshirov et Alexander Petrov, deux quadragénaires suspectés d'avoir perpétré l'attaque contre les Skripal.

Elle prévient que ces noms peuvent être des pseudonymes, et lance un appel au public pour les identifier formellement. Elle présente, à partir des images de vidéosurveillance, une reconstitution des faits et geste des deux suspects entre leur arrivée au Royaume-Uni depuis Moscou le 2 mars, et leur retour en Russie le 4 mars.

Moscou dénonce «une manipulation de l'information» et affirme ne pas savoir qui sont les deux suspects incriminés.

Theresa May réitère néanmoins ses accusations à l'encontre de l'État russe, déclarant que les deux suspects agissaient pour le compte des services de renseignement de l'armée russe, le GRU.