Les États-Unis et le Royaume-Uni doivent «vraiment» se serrer les coudes pour contrer la Russie: pour sa première visite à Washington, le nouveau chef de la diplomatie britannique, Jeremy Hunt, semble s'en prendre aux ambiguïtés de l'administration Trump face à Moscou.

L'attitude russe, «agressive et malveillante», «sape l'ordre international censé nous protéger», doit-il dénoncer mardi dans son premier grand discours de politique étrangère depuis sa nomination en juillet, dont des extraits ont été transmis à l'avance à la presse.

L'empoisonnement début mars à Salisbury, en Angleterre, de l'ex-agent double russe Sergueï Skripal, imputé par Londres aux autorités russes, a plongé les deux pays dans une grave crise diplomatique.

Les capitales occidentales ont expulsé de manière coordonnée de nombreux diplomates russes, et pris d'autres sanctions venues s'ajouter à celles pour dénoncer l'annexion de la Crimée par la Russie ou l'ingérence de Moscou dans plusieurs élections, notamment aux États-Unis.

L'administration américaine a participé à ces actions et a annoncé récemment de nouvelles mesures punitives dans l'affaire Skripal. Mais le message de fermeté affiché par plusieurs de ses principaux responsables est régulièrement brouillé par la volonté du président Donald Trump d'améliorer ses relations avec la Russie.

Son sommet à Helsinki en juillet, au cours duquel il s'est montré très conciliant avec son homologue russe Vladimir Poutine juste après avoir brusqué ses alliés de l'OTAN à Bruxelles, a notamment été très critiqué.

À Washington, avant de rencontrer mercredi le secrétaire d'État Mike Pompeo, Jeremy Hunt doit ainsi demander à son allié américain «d'aller plus loin», nouveau signe d'une «relation spéciale» en difficulté entre le Royaume-Uni et les États-Unis.

«Bien entendu, nous devons parler avec Moscou. Mais nous devons aussi être francs: la politique étrangère de la Russie sous le président Poutine a rendu le monde plus dangereux», doit-il expliquer devant l'US Institute of Peace, un centre de réflexion américain.

«Lignes rouges» 

Surtout, il faut «que nous nous serrions vraiment les coudes avec les États-Unis», doit-il insister, laissant entendre que ce n'est pas le cas actuellement.

Le chef de la diplomatie britannique semble particulièrement s'inquiéter de l'état des solidarités au sein de l'OTAN, régulièrement critiquée par le président des États-Unis, censés en être le premier pilier.

Selon lui, «l'arme invisible» qui faisait jusque récemment la force de l'Alliance atlantique, en appui de ses armées, était le lien indéfectible entre ses membres, qui ne laissait à ses adversaires «aucun doute au sujet de ses lignes rouges».

«Or au lieu de nous appuyer sur notre crédibilité, nous l'avons affaiblie», déplore-t-il. «Ceux qui ne partagent pas nos valeurs doivent savoir qu'ils devront toujours payer un prix élevé s'ils franchissent les lignes rouges --qu'il s'agisse d'incursions territoriales, de recours à des armes interdites ou, de plus en plus, de cyberattaques», doit-il mettre en garde mardi.

Si le message aux États-Unis devrait trouver un écho particulier à Washington, Jeremy Hunt s'adresse aussi à l'Union européenne en lui demandant d'abord de «faire en sorte que ses sanctions contre la Russie soient exhaustives», mais surtout en lançant une nouvelle mise en garde au sujet du Brexit.

«Une des plus grandes menaces pour l'unité européenne serait un Brexit chaotique sans accord», doit-il prévenir. «Le risque d'un divorce désordonné» serait «une fissure dans les relations entre alliés européens qui ne se cicatriserait pas avant une génération, une erreur géostratégique pour l'Europe à un moment extrêmement vulnérable de notre histoire», doit ajouter celui qui a succédé à Boris Johnson sur fond de désaccords au sein du gouvernement britannique sur la gestion du Brexit.

L'issue des discussions sur le Brexit, qui sont censées déboucher sur un accord de divorce d'ici à la fin octobre avant la séparation prévue pour le 29 mars 2019, reste encore incertaine, Bruxelles restant inflexible malgré le nouveau plan de sortie de l'UE de la Première ministre Theresa May.

«Le moment est désormais venu pour la Commission européenne d'envisager avec un esprit d'ouverture les propositions honnêtes et constructives faites par la Première ministre», estime Jeremy Hunt.

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Le chef de la diplomatie britannique, Jeremy Hunt.