À Ljusdal, le ballet des bombardiers d'eau ne s'interrompt qu'au crépuscule, lorsque flammes et fumées s'élevant des sapins pris par le feu strient le ciel boréal comme des torchères.

Venus des provinces voisines, de France ou d'Allemagne, pompiers et militaires ont établi leur camp de base dans cette petite ville du mitan de la Suède sinistrée par les feux de forêt «les plus importants de l'époque moderne», selon les autorités.

À elle seule, la région de Ljusdal recense la moitié des forêts suédoises ravagées par les incendies de l'été, dus à une sécheresse exceptionnellement longue et au mois de juillet le plus chaud en plus de deux siècles.

«Ca va prendre beaucoup, beaucoup de temps. C'est un peu comme la guerre : on sait quand ça commence, on ne sait jamais quand ça finit», se désole Anders Jonsson, un retraité au fort accent local rencontré par une journaliste de l'AFP mercredi, au treizième jour des feux.

«J'ai un chalet à la campagne mais je n'ai pas le droit d'aller voir s'il a brûlé et je ne reçois aucun information, c'est ça le pire», assure-t-il devant sa maison, impuissant.

Ljusdal, une localité d'à peine 20 000 âmes née au début des années 1920 de la fusion de plusieurs paroisses, est couverte de forêts sur 95% de son territoire.

Son relief vallonné, où courent un fleuve, le Ljusnan, et un chapelet de ruisseaux, abrite le parc national d'Hamra, sanctuaire de vieux pins dont les plus âgés ont quatre siècles.

Ici comme ailleurs, ce ne sont pas ces arbres centenaires qui brûlent mais les conifères «de production» appartenant à des exploitants privés ou à de grandes compagnies.

À l'orée de la ville, des tracteurs déversent de l'eau sur les chemins dans l'espoir un peu dérisoire de faire barrage. Au bout d'un chemin de terre, un lac dont les rives sont piquées de pins et de bouleaux et au-dessus duquel bourdonnent cinq hélicoptères.

Lentement, ils descendent leur réservoir suspendu par une élingue, le remplissent d'eau puis repartent en direction des feux. Le vent, ce mercredi, est fort et ne facilite pas la stabilisation des aéronefs.

D'autres jours, l'absence de souffle maintient les fumées au sol, réduisant la visibilité des Canadair qui rasent les cimes à trente mètres.

«Des incendies gigantesques»

Pour les petites communes rurales, l'exploitation forestière est une manne, en termes d'emploi, de taxes, d'activité pour les sous-traitants et les commerçants : sauver la forêt, c'est sauver l'économie locale.

Alors la Suède, sous-équipée, a fait appel à la solidarité européenne. Soixante pompiers et militaires français sont ainsi arrivés cette semaine dans la région de Ljusdal pour des travaux de forestage.

Des Canadair français ont également été envoyés, concentrant leurs rotations sur la zone de Kårböle, non loin de là.

«On a travaillé pendant à peu près trois jours tout autour du village pour essayer de circonscrire les incendies   qui étaient assez gigantesques et qui surtout se réactivaient en permanence», expliquait mardi à l'AFP le pilote Jean-Marc Matéo sur la base d'Örebro.

À deux heures et demie de route au sud-est de Ljusdal, l'armée de l'air a bombardé mercredi un champ de tir bordé par le feu de crainte que des munitions présentes ne le propagent.

Une grenade avait explosé le 19 juillet au même endroit, dans une zone où l'incendie fait rage depuis bientôt deux semaines.

«Il reste toujours des munitions non percutées sur ces sites. Mieux vaut prendre les devants», a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'armée.

Vers midi, un avion Jas 39 Gripen a lâché une bombe, selon des images diffusées par l'armée. S'est alors formé un champignon blanc qui se mêlait aux nuages et aux panaches de fumée sinuant entre les vallons incandescents.