La justice a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête préliminaire après la diffusion d'images montrant un collaborateur du président Emmanuel Macron en train de frapper un manifestant, le 1er mai dernier, suscitant l'indignation à travers l'échiquier politique.

Dans un article mis en ligne mercredi soir, accompagné d'une vidéo, le quotidien Le Monde a révélé qu'Alexandre Benalla, « un proche conseiller » du chef de l'État, s'était coiffé d'un casque à visière des forces de l'ordre avant de « s'en prendre à un jeune homme à terre pendant une manifestation », à l'occasion du 1er-Mai. « Affaire Benalla : l'Élysée mis en cause », titre jeudi Le Monde sur l'ensemble de sa une.

Taha Bouhafs, un militant de la gauche radicale qui avait filmé la scène le 1er mai, a expliqué sur Sud Radio qu'il avait vu ce qu'il croyait être un policier « aller chercher une jeune fille (et) la tirer par le cou ». Par la suite, poursuit le militant, le faux policier s'en prend à un homme, qui « se fait étrangler » et reçoit « plusieurs coups de poing dans le dos, dans la tête par derrière (...) l'homme était inoffensif, par terre et suppliait d'arrêter », a-t-il ajouté.

Le Monde affirme que le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, a précisé qu'Alexandre Benalla avait demandé à « observer » le maintien de l'ordre lors du 1er-Mai, ce que le directeur de cabinet avait accepté. M. Strzoda a suspendu deux semaines M. Benalla mais n'a pas saisi la justice.

Jeudi, le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire pour « violences par personne chargée d'une mission de service public », « usurpation de fonctions » et « usurpation de signes réservés à l'autorité publique ».

Alexandre Benalla avait été chargé de la sécurité de M. Macron lors de la campagne présidentielle de 2017, avant d'être nommé « chargé de mission » à l'Élysée, la présidence française, en tant qu'adjoint au chef de cabinet du président, François-Xavier Lauch.

Interpellé par un journaliste lui demandant si la République était « entachée » par cette affaire, M. Macron a juste répondu : « non, non, elle est inaltérable ! »

« Personne n'est protégé dans ce pays, quel que soit son statut », a pour sa part assuré le secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement, Christophe Castaner. « Je peux prendre l'engagement (...) qu'il n'y aura aucun obstacle à ce que la justice puisse faire son travail le mieux du monde », a-t-il déclaré.

Alexandre Benalla, qui a été de plus muté à des fonctions administratives, a reçu « la sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l'Élysée », a souligné le porte-parole de la présidence, Bruno Roger-Petit.

Un deuxième homme a aussi « outrepassé son autorisation », a révélé le porte-parole. Vincent Crase, gendarme réserviste et employé de LREM (parti présidentiel), a aussi écopé d'une « mise à pied de quinze jours avec suspension de salaire », et « il a été mis également fin à toute collaboration entre lui et la présidence de la République ».

« Faire la lumière »

Mais ces déclarations n'ont pas suffi à stopper le tollé suscité dans l'ensemble des courants politiques, jusque dans le parti du président. Le député LREM Laurent Saint-Martin a ainsi estimé qu'Alexandre Benalla ne devait « plus travailler à l'Élysée ».

À droite, le président des Républicains (LR) Laurent Wauquiez a sommé Emmanuel Macron de « s'exprimer », demandant notamment s'il y a eu « des manoeuvres » pour « étouffer » l'affaire.

« Ce n'est pas le genre de la maison », a répondu Richard Ferrand, le chef de file des députés LREM.

À gauche, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a estimé que M. Benalla devait « être redevable devant la justice ».  « Il n'est pas imaginable qu'un directeur de cabinet qui connaît parfaitement le droit et qui doit être exemplaire (...) donne le sentiment qu'il y a (...) deux poids deux mesures », a-t-il dit.

« Pourquoi les policiers ont laissé faire ? Pourquoi la justice n'a pas été saisie ? Pourquoi Emmanuel Macron s'est contenté d'une mise à pied ? », a également interrogé Éric Coquerel, député LFI (gauche radicale), qui a demandé une commission d'enquête parlementaire.

Le syndicat de policiers Alliance a quant à lui dénoncé des « sanctions à deux vitesses ». « Les policiers eux ne bénéficient jamais d'une quelconque clémence et ne comprennent donc pas que dans "une République exemplaire" des sanctions à deux vitesses puissent exister », écrit le syndicat dans un communiqué.

Le fondateur du parti souverainiste Les Patriotes, Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen, a jugé «incroyable que ce type soit encore au service du président de la République!» «Macron tolère donc cela?», s'est-il étonné.