Le président américain Donald Trump a lancé une attaque virulente contre la stratégie de la première ministre britannique, Theresa May, sur le Brexit, une nouvelle entorse à la « relation spéciale » entre les États-Unis et le Royaume-Uni, où il est en visite officielle.

Après avoir vertement critiqué l'Allemagne lors d'un sommet de l'OTAN à Bruxelles, où il a également réclamé une augmentation de la contribution financière des Européens, M. Trump s'en est pris au plan de Mme May de futures relations commerciales avec l'Union européenne (UE), dans un entretien accordé au tabloïd The Sun avant son arrivée jeudi après-midi sur le sol britannique.

Selon lui, ce projet va « probablement tuer » la possibilité d'un accord de libre-échange entre Washington et Londres après la sortie britannique de l'UE fin mars 2019.

Le plan que Mme May a proposé à Bruxelles prévoit de maintenir des liens étroits avec l'UE à 27, en instaurant une nouvelle « zone de libre-échange » qui reposerait sur un ensemble de règles communes concernant les biens et le secteur agroalimentaire.

« S'ils font un tel accord, nous traiterions avec l'UE au lieu de traiter avec le Royaume-Uni », a dit M. Trump, qui n'a jamais caché sa préférence pour un Brexit dur synonyme de rupture nette des liens entre le Royaume-Uni et l'UE.

À Washington, la porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Sanders, a tenté de minimiser les conséquences de ces déclarations, affirmant que le président américain « aime et respecte beaucoup » Mme May, puisque, a-t-elle ajouté devant la presse, « il a dit dans son interview qu'elle était "une très bonne personne" et qu'il n'a jamais rien dit de méchant à son encontre ».

Le secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères, Alan Duncan, a aussi tenté de dédramatiser. « Donald Trump aime la controverse, c'est son style, sa couleur [...] Je ne pense pas que ce soit grossier », a-t-il dit sur la BBC vendredi matin.

Ces propos ont toutefois soulevé l'indignation de parlementaires britanniques et risquent de peser sur les discussions bilatérales prévues entre les deux dirigeants.

Ils ont également provoqué dans la matinée une baisse de la livre britannique face à l'euro et au dollar.

Anthony Gardner, l'ancien ambassadeur du président Barack Obama auprès de l'UE, a jugé ces déclarations de M. Trump « totalement inacceptables » et « sans précédent » en pleine visite officielle. « Il est hors de contrôle et constitue une honte », a-t-il gazouillé.

Ils risquent aussi d'affaiblir davantage la position de Mme May au sein de son Parti conservateur, alors que les récentes démissions du ministre des Affaires étrangères Boris Johnson et du Brexit David Davis, deux eurosceptiques, l'ont mise dans une situation délicate.

M. Trump n'a pas non plus exclu de rencontrer son « ami » Boris Johnson, qui ferait, selon lui, un « grand premier ministre ».

Thé avec la reine

La nouvelle sortie de M. Trump constitue une claque d'autant plus cinglante pour Mme May que, jeudi soir, elle lui a déroulé le tapis rouge et a vanté la force du lien transatlantique.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ne sont pas seulement « les plus proches alliés, mais aussi les amis les plus chers », a-t-elle déclaré en accueillant le président américain et son épouse, Melania, pour un dîner au palais de Blenheim, résidence de campagne près d'Oxford, où étaient également invités de nombreux représentants du monde économique.

Vendredi matin, les deux dirigeants doivent se retrouver pour aller inspecter les troupes à la prestigieuse académie royale militaire de Sandhurst, avant des discussions bilatérales et un déjeuner à Chequers, la résidence de campagne des premiers ministres britanniques, à 70 kilomètres au nord-ouest de Londres.

Une conférence de presse commune est ensuite prévue.

Outre le commerce, les échanges entre M. Trump et Mme May porteront sur le Proche-Orient, la Corée du Nord et la Russie, alors que le milliardaire s'apprête à rencontrer pour la première fois le président russe, Vladimir Poutine, lors d'un sommet à Helsinki lundi.

Le président et son épouse sont ensuite attendus au palais de Windsor, à une trentaine de kilomètres à l'ouest de Londres, pour prendre le thé avec Elizabeth II.

Ce parcours le tiendra éloigné des manifestations prévues à Londres contre sa venue, qui devraient culminer par un rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Trafalgar Square pour dénoncer la politique migratoire de Trump, son « sexisme » et son « déni » du changement climatique.

Dans la matinée, un ballon géant représentant un Donald Trump en couche-culotte devait flotter dans le ciel londonien près du Parlement.

Les démonstrations de mécontentement contre le président américain ont démarré dès jeudi, avec un rassemblement devant la résidence de l'ambassadeur américain à Londres.

« Donald Trump n'est pas le bienvenu ! » ont scandé en coeur les quelques centaines de manifestants rassemblés devant les grilles de Winfield House, située dans Regent's Park.