Le gouvernement espagnol a l'intention de rétablir la compétence universelle, permettant aux tribunaux d'enquêter sur des crimes graves commis à l'étranger, a annoncé mercredi la ministre de la Justice.

« Le ministère compte revenir à la législation sur la compétence universelle en vigueur entre 1985 et 2009 », indique dans un communiqué le ministère de la Justice et l'élargir aux « crimes internationaux de nature économique, financière et environnementale ».

« Il n'y a qu'ainsi que l'Espagne qui pourra occuper à nouveau la digne position d'avant-garde qu'elle avait dans la défense des droits de la personne et la protection des victimes », a déclaré en commission parlementaire la ministre socialiste de la Justice, Dolores Delgado.

Une commission d'experts chargée d'étudier la question devra rendre ses conclusions avant la fin de l'année, précise le ministère.

La compétence universelle, qui permettait aux tribunaux espagnols d'enquêter sur n'importe quel crime de masse commis à l'étranger s'il n'était pas jugé dans un autre pays, avait permis, sous l'impulsion du médiatique juge Baltasar Garzon, l'arrestation en 1998 du dictateur chilien Augusto Pinochet à Londres.

Elle avait été limitée en 2009 sous le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero à la suite de protestations diplomatiques d'Israël et de la Chine, puis encore davantage restreinte en 2014 par la droite.

Actuellement, les juges espagnols ne peuvent enquêter sur des crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou génocides commis à l'étranger que si la procédure est dirigée contre un Espagnol ou un résident en Espagne.

La compétence universelle « a une valeur réparatrice pour les victimes qui n'obtiennent pas justice dans leur pays d'origine et active les alertes rouges avec des mandats d'arrêt internationaux qui réduisent les espaces d'impunité et les refuges des responsables présumés de crimes internationaux », a déclaré Dolores Delgado.

Elle est appliquée notamment par l'Argentine, le Chili et le Sénégal, où l'ex-dictateur tchadien Hissène Habré a été arrêté, puis condamné à perpétuité en 2017 pour crimes contre l'humanité en vertu de cette compétence.

Depuis son arrivée à la tête de l'Espagne début juin à la faveur d'une motion de censure contre son prédécesseur conservateur Mariano Rajoy, le socialiste Pedro Sanchez s'est lancé dans l'abrogation de mesures approuvées par la droite.