Quelque 629 migrants, ballottés en Méditerranée depuis dimanche, s'apprêtaient à affronter une nouvelle traversée en mer, d'au moins quatre jours, avant de toucher terre en Espagne après le refus de l'Italie et de Malte de les accueillir.

Ce refus a déclenché mardi une guerre des mots entre la France et l'Italie, celle-ci refusant les «leçons hypocrites» de Paris, ou de «pays ayant préféré détourner la tête», en matière d'immigration, selon une note rendue publique par la présidence du Conseil italien.

Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, a semble-t-il peu apprécié les propos du président français Emmanuel Macron, qu'il rencontrera vendredi à Paris, dénonçant la «part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien» après son refus d'accueillir l'Aquarius et ses migrants.

Sauvés au large de la Libye entre samedi et dimanche, ces migrants, dont sept femmes enceintes, onze enfants en bas âge et 123 mineurs isolés, vont, pour plus de la moitié d'entre eux, être transférés du navire humanitaire Aquarius vers deux navires italiens.

Cette opération a débuté mardi avec un total de quelque 250 personnes transférées sur un total prévu de 500, a indiqué mardi en fin d'après-midi sur Twitter l'ONG française SOS Méditerranée, qui a affrété l'Aquarius.

Ce navire humanitaire est bloqué depuis dimanche à une trentaine de milles de la côte maltaise, après le refus de cette petite île méditerranéenne, mais aussi de l'Italie, d'ouvrir leurs ports.

«La situation est calme si on considère le nombre d'heures (passées en mer) et les souffrances que ces gens ont déjà endurées», a raconté à l'AFP Anelise Borges, journaliste de la chaîne Euronews, qui se trouve à bord de l'Aquarius.

Inquiétude

Tandis que cette attente se prolongeait, beaucoup de ces migrants se sont inquiétés d'être renvoyés en Libye, à tel point que les secouristes de l'Aquarius ont dû faire le tour du navire, cartes en main, pour montrer qu'ils étaient désormais loin des côtes libyennes, a encore raconté cette journaliste d'Euronews au téléphone.

Une fois les opérations de transfert terminées, les trois unités feront route vers Valence en Espagne, soit une traversée de quelque 1500 km. Il leur faudra quatre jours pour atteindre leur destination, ont affirmé mardi les garde-côtes italiens dans un communiqué.

L'Aquarius, présent depuis février 2016 dans cette partie de la Méditerranée, où il a secouru près de 30 000 personnes, était depuis dimanche au centre d'un bras de fer entre l'Italie et Malte, avant que l'Espagne ne se propose de l'accueillir.

«La meilleure solution serait de débarquer ces personnes secourues dans le port le plus proche d'où elles pourraient être transportées vers l'Espagne ou un autre pays sûr», avait également réagi l'ONG française Médecins sans frontières (MSF), elle aussi présente sur l'Aquarius.

Détermination

Mais la détermination du ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini, à la manoeuvre depuis le début de cette crise, l'a finalement emporté.

«Sauver des vies est un devoir, transformer l'Italie en un énorme camp de réfugiés, non. L'Italie en a fini de courber l'échine et d'obéir, cette fois IL Y A QUELQU'UN QUI DIT NON», a assuré lundi sur Twitter M. Salvini, qui est en même temps le patron de la Ligue (extrême droite).

Et ce n'est qu'une étape pour celui qui s'est imposé ces derniers jours comme le véritable homme fort de la vie politique italienne, après avoir remporté avec le Mouvement Cinq Étoiles (M5S, antisystème) les législatives du 4 mars.

Matteo Salvini a en outre mis en garde les autres ONG qui patrouillent au large de la Libye, leur disant qu'elles seraient traitées de la même manière. Autrement dit, que les ports italiens leur seraient dorénavant interdits.

Ce qui n'a pas empêche SOS Méditerranée d'affirmer mardi vouloir poursuivre ses opérations de sauvetage au large de la Libye, dès que l'Aquarius serait de retour d'Espagne.

Cette fermeté ne concerne pour l'instant que les ONG, dont aucune n'est italienne, avait remarqué lundi M. Salvini.

Un navire des garde-côtes italiens est ainsi attendu en Sicile dans les prochaines heures où il amènera quelque 937 personnes, également secourues au large de la Libye, et les corps de deux migrants, qui n'ont pas pu être sauvés.

Il n'empêche, le nouveau ministre italien de l'Intérieur estime avoir atteint son but: contraindre les autres pays européens à prendre en charge une partie du «fardeau» de la crise migratoire. «Nous avons ouvert un front en Europe», s'est-il ainsi félicité lundi.

L'Italie, qui a vu quelque 700 000 migrants débarquer sur ses côtes depuis 2013, a régulièrement accusé les Européens de l'avoir laissée seule face à la crise migratoire.

«Il faut de la solidarité en Europe, ces navires ne peuvent pas tous arriver en Italie», a -t-il réaffirmé mardi soir. «Si l'Europe existe, qu'elle nous fasse le plaisir de nous aider», a-t-il ajouté, lors d'une émission de télévision.