Le nouveau président catalan a formé mardi un gouvernement n'incluant plus d'indépendantistes emprisonnés ou exilés, afin de débloquer la situation politique face au veto de Madrid et favoriser la levée de la tutelle imposée à la Catalogne.

Élu à la mi-mai à la tête de la région, l'indépendantiste Quim Torra a «signé un nouveau décret de nomination pour former un gouvernement en Catalogne», ont indiqué mardi soir ses services dans un communiqué.

Un exécutif au sein duquel ce proche de l'ancien président exilé Carles Puigdemont a finalement renoncé à nommer quatre «ministres» emprisonnées ou exilés en Belgique depuis la tentative de sécession de la Catalogne l'automne dernier.

«Les conseillers emprisonnés et exilés expriment leur pleine confiance dans le président et sont d'accord pour que les institutions catalanes se remettent au service du peuple de Catalogne (...) le plus tôt possible», ajoute le communiqué.

La nomination de ce nouveau gouvernement régional ouvre en effet la voie à la levée par Madrid de la tutelle imposée à la Catalogne dans le cadre de l'article 155 de la Constitution.

La région du nord-est de l'Espagne est sans gouvernement depuis près de sept mois après avoir été placée sous le contrôle direct de Madrid suite à la vaine proclamation d'indépendance d'une «République catalane» le 27 octobre.

Ce revirement de Torra intervient dix jours après sa décision d'inclure le 19 mai les quatre anciens membres du gouvernement régional de Puigdemont, emprisonnés ou exilés, dans son exécutif. Un geste considéré comme «une provocation» par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy qui avait refusé d'avaliser son entrée en fonction, condition indispensable à la levée de la mise sous tutelle.

Il intervient par ailleurs dans un contexte de crise politique à Madrid où M. Rajoy va devoir affronter vendredi le vote d'une motion de censure déposée par l'opposition socialiste.

Dans son communiqué, la présidence catalane a donné la parole aux anciens «ministres» désormais évincés. «Les conseillers Jordi Turull, Antoni Comín, Josep Rull et Lluís Puig réaffirment qu'ils ont toujours voulu faire partie de la solution et non du problème», dit le texte. Ils dénoncent en outre «le mauvais usage» fait, selon eux, «du droit et de la justice par les tribunaux espagnols».

Deux sont en détention provisoire. Deux autres sont eux installés à Bruxelles et la justice espagnole, qui veut les juger pour «rébellion», réclame leur extradition.

Dans son nouveau gouvernement, Quim Torra a nommé comme porte-parole une économiste de 41 ans, Elsa Artadi, fidèle comme lui de M. Puigdemont. Cette docteur en économie de l'université américaine Harvard devient sa «conseillère à la présidence».

Plainte contre Rajoy

Loin d'adopter un ton conciliateur, le nouvel exécutif compte porter plainte pour «prévarication» contre Mariano Rajoy pour avoir bloqué la formation du premier gouvernement Torra et attaquer devant la justice la façon dont est appliqué l'article 155.

Le parti libéral et anti-indépendantiste Ciudadanos a reproché mardi, par la voix de sa dirigeante en Catalogne Inès Arrimadas, à M. Torra d'avoir voulu «rester en conflit» avec Madrid en commençant par nommer des ministres poursuivis par la justice. «Il devrait accepter la réalité, respecter tous les Catalans et gouverner dans le cadre démocratique mais il ne le fera pas», a-t-elle affirmé sur Twitter.

Les indépendantistes avaient remporté en décembre les élections régionales convoquées par Madrid, avec 47,5% des voix. Carles Puigdemont, qui attend en Allemagne de savoir s'il va être extradé vers l'Espagne, avait alors remporté le plus de voix dans le camp indépendantiste.

Mais face aux obstacles judiciaires, il avait dû renoncer à retrouver la présidence et avait lui-même désigné comme successeur M. Torra, nouveau venu en politique issu de l'aile dure de l'indépendantisme et très critiqué pour des écrits passés offensants envers «les Espagnols».