Une semaine après le début du quatrième mandat de Vladimir Poutine, son principal opposant retourne en prison: Alexeï Navalny a été condamné mardi à 30 jours de détention pour avoir organisé une manifestation deux jours avant l'investiture de l'homme fort du Kremlin.

M. Navalny «est reconnu coupable en vertu de l'article 20.2 (sur l'organisation de manifestations non-autorisées) et condamné à 30 jours de rétention administrative», a indiqué le juge Dmitri Gordeïeve.

L'opposant, dont le procès a débuté le 8 mai avant d'être reporté d'une semaine, a également été condamné à 15 jours de détention, non cumulables avec la peine précédente, pour avoir «désobéi aux forces de l'ordre».

Coutumier des procès, M. Navalny, 41 ans, a multiplié ces derniers mois les manifestations pour faire pression sur le Kremlin, après avoir été déclaré inéligible à l'élection présidentielle du 18 mars, remportée sans surprise par Vladimir Poutine.

Ces rassemblements ont attiré notamment de nombreux jeunes, qui partagent abondamment sur les réseaux sociaux ses enquêtes sur la corruption des élites.

Sous le mot d'ordre «Il n'est pas notre tsar», l'opposant avait appelé le 5 mai dernier ses partisans à sortir dans les rues. Des milliers de personnes avaient manifesté dans de nombreuses villes du pays.

Alexeï Navalny avait lui-même été interpellé à Moscou lors d'une manifestation émaillée de heurts entre ses partisans et des personnes en treillis qui scandaient des slogans pro-Kremlin. La police avait dispersé le rassemblement en employant la force.

La dernière interpellation d'Alexeï Navalny remonte à fin février, après une manifestation en janvier, mais il n'avait pas été condamné à une peine de prison.

En octobre, l'opposant avait été condamné à 20 jours de détention pour appels à des manifestations non autorisées.

«Soutenir Navalny»

À la sortie du tribunal, dont l'entrée était clôturée par des barrières et surveillée par des policiers, quelques rares partisans d'Alexeï Navalny gardaient les yeux rivés sur leurs téléphones pour suivre en temps réel le procès.

«Comment aurais-je pu ne pas venir? Nous devons être là pour soutenir Navalny», a déclaré à l'AFP l'un d'entre eux, également appelé Alexeï et âgé de 30 ans.

À ses yeux, le mois de détention auquel M. Navalny a été condamné se justifie par le désir des autorités russes de l'empêcher d'organiser une nouvelle manifestation le 12 juin, jour de la fête nationale de la Russie.

Le procès d'Alexeï Navalny intervient quelques jours après l'investiture de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie pour un quatrième mandat durant jusqu'en 2024, un quart de siècle après son arrivée au pouvoir.

À la veille de l'investiture précédente de Vladimir Poutine, le 6 mai 2012, une manifestation anti-Kremlin sur la place Bolotnaïa à Moscou avait déjà été émaillée d'affrontements avec la police, et plusieurs manifestants avaient ensuite été condamnés à des peines de camp.

En réaction à cette manifestation et à celles ayant précédé lors de la campagne électorale, Vladimir Poutine avait au cours de son troisième mandat opéré un tour de vis sur l'opposition, durcissant la loi sur la liberté de rassemblement et les violences contre les forces de l'ordre.

Une nouvelle loi, prévoyant des amendes voire des périodes de détention pour les personnes incitant les mineurs à participer à des manifestations non-autorisées, a été introduite à la Douma, chambre basse du Parlement russe où le parti au pouvoir, Russie Unie, est majoritaire.

Alexeï Navalny bénéficie d'une forte popularité auprès de la jeunesse russe et ses manifestations ont mobilisé de nombreux adolescents.

Selon l'organisation OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations, au moins 170 mineurs ont été arrêtés lors de la manifestation anti-Kremlin.